Sur le pronunciamiento du covid-19 et son lock out socio- économique.

Éléments d’une théorie sur les coups de force dans la « société cybernétique »

« La sécurité du pouvoir est fondée sur l’insécurité des citoyens. » L.Sciascia

« De même qu’aux individus qui s’enfonçant dans cet ordre, se détachent de tout et aspirent à l’être-pour-soi inviolable et à la sécurité de la personne, le gouvernement doit dans ce travail imposé donner à sentir leur maître, la mort. » Hegel

 

Ce texte, ainsi que sa note, est la version abrégée d’un texte intitulé Brèves Remarques sur des catastrophes récemment survenues & les prochaines qui fut édité en mars 1989.  Aujourd’hui il ne s’agit plus de se battre pour la couche d’ozone derrière son Etat, mais avec son Etat contre le Covid 19, comme précédemment le citoyen informé était tenu de lutter durablement pour le capitalisme, et sa grande réforme idéologique du climat ; de se joindre aux différentes danses de la pluie ou du soleil organisées sous la direction zélée d’un petit personnel de service, à qui l’on avait fait flairer tout le provisoire de la situation, et menacé de l’extinction programmée de ses pauvres privilèges. La panique provoquée par l’apparition miraculeuse du Covid 19, et son déferlement, a été délibérément produite par le gouvernement mondial de la marchandise, afin de soutenir plusieurs sous-ensembles pro-consulaires en grandes difficultés industrielles et financières, au bord de l’effondrement, incapables de faire face à de sourdes révoltes engendrées par des programmes économiques et sociaux incohérents et brutaux, motivés par de froids intérêts devenus fous – à ce stade de rationalité comptable proclamée par tant d’experts assermentés par la loi de la valeur, la simple démence est devenue quelque chose de véritablement rassurant. C’est du moins ce que les actuels, et tout provisoires (a) exécutants du pronunciamiento du Covid 19 ont cru en neutralisant légalement la société, par la rapide suspension de tout un ensemble de libertés(b), légitimée par une supposée protection de tous par la protection de chacun, mesure dont l’efficacité, bien sûr, ne sera jamais prouvée (c) – Macron, Sanchez, et tous les autres, sauvés par Gong, n’était-ce pas là l’un des volets d’un contrat, qui ne doit pas nous laisser indifférents quant à ses autres parties,  et aux attendus surprenants qui vont venir. C’est Ubu qui gouverne. A qui d’autre les derniers électeurs pouvaient-ils accorder leur confiance ? L’on sait désormais, avec une presque certitude, que l’électeur du Spectacle avant que d’être un confiné, a souvent commencé par une formation sommaire de con fini.

« Que les catastrophes se succèdent à un rythme effréné, voilà une constatation qui est à la portée de tous et sans conséquence, car qui a abdiqué sa raison ne conclura jamais ; et parce que tout contribue à la disparition de la raison dans l’inconscience généralisée façonnée par les maîtres, qui possèdent l’ensemble des instruments permettant d’éteindre la vérité et de rendre, sous un déluge de désinformations, la réalité indéchiffrable, opaque ; et ne pouvant être reconnue en dehors des définitions qu’ils édictent. Sous la conduite des experts, le langage s’est appauvri autant que s’est appauvri le champ de l’expérience humaine et son expression ; les mots se sont vidés de leur sens, réduits qu’ils sont à la fonction de désigner des réalités fictives : « démocratie, liberté, égalité », pour ne citer que ceux-là, sont d’excellents exemples de cette évolution qui les a transformés en « appellations contrôlées » ; ils ne sont plus que des formules d’incantation pour des rituels conjuratoires. Quand ils les prononcent, ceux qui planifient l’absence d’esprit les frappent de proscription (1).

La terreur s’est diluée, raffinée à l’extrême, ses souteneurs ont proliféré, en modernisant, et en diversifiant leurs panoplies répressives. Le contrôle social a gagné en précision.

Il est bien des façons de faire régner un consensus fondé sur la peur et de faire sentir à ceux qui voudraient se débarrasser de cet éternel présent, qu’ils sont à une fraction de seconde de l’éternité car il y a des gens qui pensent encore plus à la révolution que les pauvres, ce sont les maîtres.

L’usage des catastrophes peut prendre divers visages selon l’objectif que l’on s’est donné. Certains ont pu faire admettre froidement, parce que c’était leur intérêt, le sort irrémédiablement funeste attaché à tant d’installations industrielles, victimes de leur genre d’activité, lovant leur triviale réalité sous le masque tragique des héros antiques, sans en avoir la dignité (…) pour accomplir leur destin et laisser à un chœur d’experts le soin de scander leurs obscures raisons. Cette opinion, jusqu’à présent, pouvait se soutenir par d’invraisemblables arguments, sous-tendus par une déraison probabiliste : la règle se vérifiait par l’exception ; l’une sautait pour prouver que dix autres fonctionnaient bien. Une telle accumulation de preuves démontrait que pour continuer, il ne fallait rien faire. Aussi cette déraison qui avait fait du hasard son explication centrale s’est-elle vue anéantie par le hasard : le temps fit que les dix autres valaient bien la première. D’autres ne veulent voir dans les catastrophes qu’une défaillance de la production marchande et le fruit de la négligence de ses gestionnaires ; ils se proposent de remédier à ces manques pour peu qu’on leur laisse de plus larges responsabilités dans cette gestion, ils réclament donc toute une batterie de mesures et de méthodes d’organisation de la production et des hommes, propres à les satisfaire : ainsi tout fonctionnera mieux qu’avant, sur les mêmes bases. Dans le rituel du commentaire falsifié post-désastre, ces deux déraisons apparemment contradictoires s’affrontent perpétuellement, bien que soumises à diverses variantes stylistiques. En réalité, elles ne se disputent que sur un optimum à atteindre dans la production du contrôle social, et se soutiennent. La catastrophe les unifie et permet à chacune d’occuper son terrain de prédilection. Entre ces deux tendances, la catastrophe s’affirme comme le lieu du consensus, obtenu au moindre « coût ».

La catastrophe unifie aussi le contrôle, en même temps qu’elle en révèle l’unification et la ramification, et élargit l’acception de l’expression « état d’urgence ». Chaque « service » particulier du contrôle social, reconnu par tous ou dévoilé comme tel à cette occasion dans toutes ses potentialités de surveillance (Télécom, services médicaux et sanitaires, syndicats…), se fond dans un vaste « service de proximité sociale ». Tout est ressaisi en fonction d’une réorganisation autoritaire de la société dont le centre de décision est insaisissable, évanescent ; et qu’un Etat, au cours d’une campagne de catastrophes, renouvelle son personnel politique, ne change rien à l’affaire : il poursuivra les buts de l’ancien avec la même constance. Les prétendues cellules de crise sont les éléments d’un décor en forme de labyrinthe, où tout est mis en place pour un autre scénario, dans lequel l’ennemi n’est pas toujours celui que l’on désigne. L’Etat compte ses alliés, introduit la dose d’instabilité nécessaire ; simultanément il simule et stimule ; il jauge la profondeur de l’hébétude des populations, après les en avoir tiré momentanément par un événement artificiel. Les populations sont contraintes à une émotion préfabriquée, dont les différents réseaux spécialisés dans la gestion de la soumission manipuleront les suites, afin que tout ce qui était exécrable hier, soit désormais tenu pour excellent. On se livre d’autant moins à la critique que la maison brûle, que la terre tremble ou que l’air vous manque.

La catastrophe est l’un des moments constitutifs de l’élaboration de la passivité, du fatalisme et de l’entretien du sentiment d’impuissance. Les velléités de révolte qui naissent sous le choc des catastrophes sont asphyxiées et aussitôt détournées et réinvesties dans le système. Les individus, réunis un court instant dans le processus brutal de l’évacuation, retrouvant des réactions humaines de solidarité, sont immédiatement séparés et ligotés dans la camisole de la communication univoque, leurs sentiments ne pouvant finalement s’exercer que dans l’intégration au processus. A cet effet, agissent en sous-main, les pourvoyeurs de la falsification généralisée – montrant de ce fait leur remarquable interdépendance organique – qui ont depuis longtemps en réserve, un stock de boucs émissaires, de lieux communs, de significations, qui seront d’autant mieux admis qu’ils seront les seuls à paraître.

Par l’intermédiaire des catastrophes, les hommes assistent et prennent part à l’amplification-reproduction, violente et spectaculaire, du système, qui démontre qu’il n’avait jamais rompu avec la sauvagerie de l’accumulation primitive.

Des Etats ou des trusts, ou les deux, peuvent dorénavant provoquer des catastrophes, soit par une méthode aléatoire, fondée sur le cycle d’obsolescence des installations industrielles, qui sont édifiées en calculant la vitesse d’usure et le point de rupture, soit délibérément, en choisissant la cible. Les buts poursuivis par une telle tactique sont nombreux : règlements de compte entre industriels ou fractions du personnel qui gouverne ; pour écraser le refus, ou préventivement, pour assurer la paix sociale ; pour s’ouvrir de nouveaux débouchés ou pour opérer une reconversion industrielle ; pour tirer des profits substantiels ; pour réunir les citoyens informés derrière leurs Etats… Plusieurs de ces intérêts peuvent converger et les motifs sont inépuisables.

Un désastre en recouvre parfois un autre, et le mensonge recouvre l’ensemble. (…)

Les catastrophes, qui étaient appréhendées comme l’un des défauts majeurs de cette société, sont devenues l’un de ses principaux atouts ; les positions extrêmes dans la falsification n’ont pas été abandonnées pour des positions moyennes, mais pour des positions extrêmes à nouveau, cependant des positions inverses. Chacun est tenu, pour la couche d’ozone, de combattre derrière son Etat… (…)

Chaque catastrophe vient à point pour qui sait attendre et en connaît l’usage ; quand elle n’est pas provoquée dans le but d’assurer préventivement l’ordre et la sécurité de la domination, ou de les maintenir.

Les gestionnaires de la soumission ont désormais à leur service une panoplie élargie de techniques de modification et de destruction du milieu naturel, dont ils usent à leur gré, et clandestinement, car au milieu de tant d’autres catastrophes, celle qui sont délibérément produites peuvent passer pour naturelles, quand des falsificateurs les expliquent, et les interprètent, pour les rendre incompréhensibles, mystérieuses.

Ce qui paraissait ne devoir s’appliquer qu’aux territoires sur lesquels des guerres ouvertes étaient engagées entre des adversaires déclarés, se sont-elles étendues de proche en proche à l’ensemble de la planète. La guerre menée contre le vivant par la déraison étatique et marchande, a cette particularité, qui la distingue des anciens conflits armés, que personne ne sait la désigner ou la reconnaître pour telle.

Les différents rackets qui se disputent pour gouverner cette époque ressemblent par de nombreux traits à ce tyran dont Suétone disait : «  Il avait même coutume de déplorer ouvertement la malchance de son époque, parce qu’elle n’était marquée par aucune catastrophe publique, le principat d’Auguste ayant eu pour l’illustrer le désastre de Varus, celui de Tibère, l’écroulement de l’amphithéâtre de Fidènes, tandis que le sien était menacé de l’oubli, du fait de sa prospérité ; et il souhaitait à tout instant un massacre de ses armées, une famine, une peste, des incendies, un cataclysme quelconque. » Vies des douze Césars

Notre époque, sans doute, laissera un souvenir impérissable, par le nouveau genre de prospérité qu’elle a su établir.  « Des peuples entiers sont jetés dans le vide. »

1- Les techniques sont multiples pour mener cette réforme catastrophique du sens ; on peut, sans rien dire à personne, doter un mot d’un sens nouveau qui ne sera connu que de quelques-uns ; on peut éviter l’emploi d’un mot auquel est attachée une mauvaise réputation, et le remplacer par une périphrase aseptisée : police est donc devenu service de proximité sociale qui est aussi la nouvelle définition de syndicat, les maîtres ayant de la sorte enregistré la fusion de différentes branches du contrôle, dont l’une s’est éloignée à l’infini dans la représentation, et a rejoint l’autre ; on peut aussi niveler les sens des mots, affadir la force évocatrice de certains mots, les banaliser volontairement par un usage à tout propos ; ainsi de passion, solidarité, tolérance, catastrophe etc. D’autre encore sont enrichis par des adjectifs qui naguère étaient appliqués à d’autres domaines : les pluies sont donc acides, les neiges chimiques, les vents nucléaires, la terre stérilisée, le vivant brevetable, le citoyen informé ; ce sont autant de nuances nouvelles que ces réalités ont gagnées et qui nous prouvent que le champ de l’expérience humaine reste ouvert. Par une métamorphose supplémentaire et qui ne doit en rien surprendre, un génocide est chimico-nucléaire, une guerre météorologique, un état d’urgence électrique… » 

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(a) L’ex-ministre de la santé du gouvernement français, par des révélations mesurées et apeurées, qui correspondent si bien à cet air toujours contrit qu’elle promenait dans les médias, comme une personne surprise, au petit matin, en compagnie d’un chien moche, nous a introduit à l’après-prununciamiento du covid 19, quand les putchistes devront répondre de leurs supposées impro-visations, puisque par son intermédiaire il leur est reproché non pas d’avoir commis un coup d’Etat, mais d’avoir trop attendu pour le commettre ; comme si les commanditaires du pronunciamiento du covid 19 avaient déjà décidé de se défaire de leurs exécutants dans une série de procès interminables et spectaculaires ; la gueule à Castaner ou celle à Macron montrent qu’ils ne disposent que d’une partie du synopsis. L’Intérieur était à la Santé, avant que la Santé ne se saisisse de l’Intérieur, dans les joyeux temps qui vont suivre. Il est assez rare qu’une compagnie aérienne embauche des hôtesses de l’air pour piloter ses avions.

(b) Libertés que nombre de personnes découvrent au moment même de leur suppression, tant elles leur paraissaient, ces misérables petites libertés, quantités négligeables en regard du monde réifié de la logique relationnelle* de la société cybernétique, de l’utopie cinétique du Capital, de ses permissions nihilistes, de ses révoltes sans contenu, de la perte planifiée de tout langage commun. Se dévoile « un univers abstrait, réduit à une trame expurgée du sens de l’humain, sur laquelle ne seront disséminés que de misérables réceptacles d’informations, où le pouvoir se réservera l’opportunité de la modification, resserrant et multipliant les mailles de son contrôle. » Brèves Remarques sur des catastrophes récemment survenues et les prochaines, mars 1989

(c)Nous renvoyons aux multiples déclarations du professeur Didier Raoult qui ont le mérite de con-textualiser l’épidémie du Covid 19. Les simples évidences mises en avant par ce médecin, quant à la prévention du Covid 19, quant à la diffusion de l’épidémie, démontrent pour qui veut l’entendre, et le voir, l’échafaudage d’une partie du pronunciamiento du covid 19. « El terror no aparece como una fanàtica conspiration secreta que golpea al Estado, sino como una fanàtica conspiracion secreta llamada Estado. » Terry Eagleton

 

*APOSTILLE SUR LA LOGIQUE RELATIONNELLE

 

 

Les propos cyniques de plusieurs hommes d’Etats français sur le concept de distanciation sociale, nous introduisent dans le monde de l’aliénation achevée et son organisation sociale et économique. Ce concept apologétique dévié, retourné, issu pour partie du théâtre brechtien, et de la critique sociale -critique de la séparation- décrit à sa manière, policièrement, l’une des « briques » élémentaires de la société cybernétique. « Les lois de la production industrielle – le monde de la quantité qui supplante toute espèce de qualité, de la temporalité dégradée en espace- sont appliquées à l’intégralité de l’existence humaine, comme si tout devait être gouverné par les règles de l’efficacité mécanique, afin d’obtenir un rendement maximum dans la      destruction des individus et des rapports sociaux, au profit des liens synthétiques du totalitarisme. L’homme ne doit plus être qu’un nous, au comportement prévisible, calculable. Le travail dans la société cybernétique s’est centré sur la production et l’entretien d’une existence en tension d’une disponibilité totale. » ULTIMA THULE 2001. De là ces innombrables idéologies constructivistes de l’homme, d’un immonde matérialisme, portées par la contre-révolution par percolation, disséminées sur les « territoires de l’approbation ». Ce sont de véritables pièges mentaux où se sont engluées et décomposées de nombreuses révoltes. Le monde de la logique relationnelle est un monde réifié où l’information, ce déchet de la désintégration de toute communauté comme de toute individualité, s’impose comme un ciment social qui lie les monades, qui les soumet à un mécanisme unique et les structure en composants de la domination. On nous l’avait dit : « Le destin du spectacle n’est certainement pas de finir en despotisme éclairé. » Guy Debord.

Le 11 mars 2020, dans un court article, le philosophe Giorgio Agamben, décrivait ce monde de la « logique relationnelle » qui semble nous avaler tout cru, avec la soudaineté de l’éclair, alors qu’il a été installé pièces par pièces par les clairs géomètres du monde marchand et bureaucratique, avec un zèle tranquille, dans une complicité presque générale. Ce philosophe écrivait donc : « Ce qui est plus triste encore que les limitations des libertés impliquées dans les dispositions, c’est à mon avis, la dégénérescence des relations entre hommes qu’ils peuvent produire. L’autre homme quel qu’il soit, même un être cher, ne doit pas être approché ou touché, et, en effet, une distance doit être mise entre nous et lui, qui d’après certains est d’un mètre, mais selon les dernières suggestions des soi-disant experts serait de 4,5 mètres (intéressant ces cinquante centimètres !). Notre voisin a été aboli. Il est possible, étant donné l’incohérence éthique de nos dirigeants, que ces dispositions soient dictées, par ceux qui les ont prises, de la même crainte qu’ils ont l’intention de provoquer, mais il est difficile de ne pas penser que la situation qu’ils créent est exactement ce que ceux qui nous gouvernent ont essayer de réaliser plus d’une fois ». Il rajoutait le 17 mars dans un autre article : « Les hommes sont devenus tellement habitués à vivre dans des conditions de crise et d’urgence pérennes qu’ils n’ont pas remarqué que leur vie a été réduite à une condition purement biologique et a perdu toutes les dimensions non seulement sociales et politiques, mais même humaines et émotionnelles. Une société qui vit dans un état d’urgence perpétuel ne peut pas être une société libre ». Il concluait son texte ainsi : « Il est très probable que des tentatives seront faites pour poursuivre, même après l’urgence sanitaire, les expériences que les gouvernements n’avaient pas menées auparavant : que les universités et les écoles sont fermées et que les cours ne sont donnés qu’en ligne, que nous arrêtons une fois pour toutes de nous rencontrer et de parler pour des raisons politiques ou culturelles et que nous n’échangeons que des messages numériques, que chaque fois que possible les machines remplacent chaque contact -toute contagion- entre les êtres humains. »

« Le moderne ouvrier, être et chose qu’on n’ose plus nommer directement, accomplit chaque jour son cybernétique ouvrage. L’incarnation et la réification, processus symétriques, composent le joug de sa parfaite exploitation. Jouir de sa décomposition et décomposer à l’infini sa jouissance dans les camps rénovés de l’incarcération automatisée rythment sa journée de travail. Le rappel incessant d’une possible et absurde destruction qui s’appelle catastrophe et la vue de la terreur qui s’appelle police encadrent son activité. L’épuisement passionnel par carence organisée est son lot quotidien, et gare s’il se révolte, aux anciennes méthodes de l’épuisement concentrationnaire. La torture n’est plus un art réservé et privé, mais s’est étendue en menace permanente qui frappe, de manière aléatoire, à tout moment de sa vie. Les murs implacables de sa prison virtuelle ont pour nom logique, et s’il cherche à les briser, ses maîtres lui opposent ceux bien réels du chaos. Sur le mode de production cybernétique, 1976-2004.

« A ce moment l’heure les saisit et, furieux les uns disaient : « nous voulons des loups », les autres : « nous sommes tous des loups »… Quevedo

CE TEXTE A ETE DIFFUSE SUR LE NET A PARTIR DU 19 ET 20 MARS 2020.

Sources :

https://www.quolibet.it/giorgio-agamben-chiarimenti

https://www.quolibet.it/giorgio-agamben-contagion