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LE DÉCOR ET SON ENFER

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J’ai apprécié votre article – Dans le miroir obscur de la pandémie, par Gabriel ZACARIAS– sur Palim Psao, il pose le problème clairement, là où il doit être posé. Le concept de « distanciation sociale » est un concept élaboré dans les laboratoires de la nouvelle police. Il était la face cachée de la matraque, et son ombre infiniment allongée. Le voilà sous les lumières empoisonnées du Spectacle, comme sa plus belle fleur d’acier : il parle comme le chat à neuf queues.

Bienvenue dans le monde de « la logique relationnelle » – en espérant ne pas trop bousculer vos thèses, en l’occurrence celles sur le travail (a) – et dans la société du « lock-out » socio-économique.

« Les divers futurismes dont se réclament les projets de cet encadrement ne visent à rien d’autre qu’à reconduire les formes de l’actuelle survie, de les figer dans une perfection hors d’atteinte, de les noyer dans un ordre définitivement stable, où une barrière de gadgets techniques et sociaux garantira leur répétition monotone de toute perturbation ; chaque geste, chaque parole des non-personnes qui habiteront ce monde hors du monde ne devra plus participer que de la froide convivialité des choses. Dans cet univers abstrait, réduit à une trame expurgée du sens de l’humain, sur laquelle ne seront disséminés que de misérables réceptacles d’informations, le pouvoir se réservera l’opportunité de la modification, resserrant et multipliant les mailles de son contrôle. Et le présent de la société moderne n’est plus que du futur sous-développé. 

Ce cauchemar programmé s’est saisi de son appareillage technologique, et c’est par morceaux que cette classe de la catastrophe installe son utopie congelée. » Brèves remarques sur des catastrophes récemment survenues et les prochaines (mars 1989).

La contradiction structurante du capitalisme de Guy Debord – et dont parle Gabriel Zacarias – s’est matérialisée en cette fameuse « logique rela-tionnelle » (b) qui planifie la presque totalité du temps social, et organise l’espace social.  « Dans la « société cybernétique », celle qui connaît son plein accomplissement en Occident, la question qui se pose en permanence est celle-ci : où est le véritable lieu du travail ? Et quand finit-il ? Le travail est toujours perçu sous sa forme classique. L’usine, le bureau ne tendent pas à disparaître, mais plutôt à se diffuser, à s’insinuer dans l’existence entière ; dans certains cas ces lieux pourraient, à la rigueur, être disloqués. L’espace productif a conquis la totalité de la société. Ses règles, ses codes, son langage se sont répandus partout, ne laissant aucune zone d’ombre à sa domination. L’extorsion de la plus-value ne se limite plus à la traditionnelle journée de huit heures comme on le croyait, mais concerne l’ensemble de l’existence : dans la « société cybernétique » on produit pour le capital, on s’amuse pour le capital, on manifeste et on conteste – contre-révolution par percolation(c) – pour le capital, on dort pour le capital, on mange pour le capital, et le capital veille sur nos enfants, surveille nos accouplements, il nous ajuste à ses maladies etc… L’existence est devenue une expérience terrifiante. » (Notes éparses sur la nuit cybernétique)

« L’apparition du grand travail sur l’espace résiduel de la non-vie : ce qui subsiste du domicile, ou l’odieuse caricature qui prétend l’être, est transformé en annexe du bureau, et de l’atelier. La croissance exponentielle de la banlieue universelle, cette vaste « réduction » gouvernée par la circulation et ses lois scélérates, est inséparable de la décentralisation du travail. Le travailleur va au travail comme le travail va au travailleur, devenu pur fantôme dans le processus, grâce aux écrans de la communication centralisée. L’homme-isolé, ce complément de l’homme-masse de l’usine de la bureaucratie, du stade, assisté par la machinerie cybernétique, n’est plus qu’un geste spécialisé, une énigme qui s’accomplit obscurément au travers des miroirs, sur un espace social saturé par les règles de Ford. » NUSQUAMA, Bienvenue en Enfer 2003

le 4 avril 2020,

Jean-Paul Floure

Birnam.fr

a-Peut-être comme Paulo ARANTES vous faudrait-il aller « aussi contre un certain sens commun qui clame que le travail serait en train de finir » Frederico Lyra De Carvalho Jaggernaut 1, printemps 2019, page 427, ligne 5.

b-La terminologie m’indiffère, jusqu’à un certain point. L’article de Gabriel Zacarias décrit de nombreux points de cette « logique relationnelle », il recoupe les descriptions de Giorgio Agamben. Mais pour reprendre, tout en la modifiant quelque peu, une citation d’un philosophe du dix-huitième siècle, très décrié aujourd’hui : « Ils ont imaginé faire merveille, en réduisant le peuple à une abstinence atroce en l’enfermant au milieu des marchandises. Ils se sont trompés du tout au tout, ils lui ont échauffé la tête et les passions à ce peuple de misérables, ils lui ont fait former des fantômes qu’il faudra qu’il réalise. » Ce qu’il ne faut pas oublier.

c- La contre-révolution par percolation dont la demande centrale concerne, en permanence, l’amélioration des rapports de production, c’est-à-dire de « la logique relationnelle ».

 

Source :

Dans le miroir obscur de la pandémie. L’état d’exception de la pandémie semble avoir accompli, au moins en partie, le rêve du capitalisme, par Gabriel Zacarias :

http://www.palim-psao.fr/2020/04/dans-le-miroir-obscur-de-la-pandemie.l-etat-d-exception-de-la-pandemie-semble-avoir-accompli-au-moins-en-partie-le-reve-du-capitalis