
A LA SUITE DE RECENTES PUBLICATIONS (1) REMETTANT EN CAUSE, ET JUSTEMENT, LE RECIT OFFICIEL FABRIQUE, DEPUIS PLUS D’UNE DECENNIE, SUR LA FAMEUSE ZAD DE NOTRE-DAME-DES-LANDES PAR UN ENSEMBLE DE POLITICIENS MATOIS ET D’IDEOLOGUES TARIFES, DE CRETINS INTERESSES ET DE PUBLICITAIRES DU NEANT, DE JOURNALISTES CRAPULEUX ET D’ARTISTES SUBVENTIONNES, DE MILITANTS APPOINTES ET D’AUTHENTIQUES PARASITES, NOUS PUBLIONS A NOUVEAU, A DES FINS EDUCATIVES, UN LIBELLE DIFFUSE EN JUIN 2013 « LES PIEDS DANS LE ZADOIR », AFIN DE CORRIGER PLUSIEURS INCOHERENCES MEMORIELLES QUI SONT COMME LA MARQUE D’UNE EPOQUE QUI S’EST PRESQUE EXCLUSIVEMENT DEVOUEE A SA CONVERSION CYBERNETIQUE ET A SES EXACTIONS PRODUCTIVES.
CE LIBELLE A EU LE RARE MERITE DE DECRIRE, AU MOMENT MEME OU LES FAITS SE PRODUISAIENT, ET NON PAS QUINZE ANS PLUS TARD COMME C’EST L’HABITUDE DESORMAIS (2), LA PARODIE PSEUDO-OPPOSITIONELLE QUE TOUS ADMIRAIENT SANS NUANCE ET, SOUVENT, EN SE SCANDALISANT BRUYAMMENT DES CRITIQUES QUI POUVAIENT FRANCHIR LA BARRIERE D’UNE CENSURE REPUTEE INEXISTANTE ET D’UNE MAUVAISE FOI INCROYABLEMENT RETORSE A LAQUELLE ILS COLLAIENT BENOITEMENT PAR SOUCI D’EFFICACITE POLITIQUE – CAR TOUS, PEU OU PROU, SAVENT QUE CES OPPOSITIONS SPECTACULAIRES APPARAISSENT, AUJOURD’HUI, COMME ETANT LE SYSTEME LUI-MEME DANS SES PHASES D’AUTO-CRITIQUES DIRIGEES PAR SA CLASSE SUBALTERNE.
CE TEXTE AVAIT ETE TIRE, A L’EPOQUE, A 250 EXEMPLAIRES. TOUS FURENT DISTRIBUES NOMINATIVEMENT.
birnam.fr
A la suite d’un article publié sur le Blog du collectif de lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes le 23 juin 2013, le libelle suivant a été diffusé en guise de réponse aux effrontés innocents.
Vous viviez au milieu d’eux et n’avez rien vu venir… VOUS PRENEZ LES GENS POUR DES NAIFS ! Proches du PS ? Mais vous êtes des innocents. Une Mafia ? Tiens, vous ouvrez les yeux. Ignorez-vous de quoi est faite la campagne autour de Nantes, ou d’ailleurs ? Certains réseaux remontent au Second Empire ; mais sans aller aussi loin, quelques familles se sont illustrées pendant la seconde guerre mondiale, par une participation aux organisations corporatistes vichyssoises ; une partie de leurs cadres ou de leurs membres fut intégrée dans les structures du productivisme dans les années cinquante et soixante-dix. Banques, réseaux catholiques, assurances, services de l’Etat, et nous en passons, se sont retrouvés main dans la main avec les syndicats agricoles qui ont eux-mêmes contribué à la disparition du paysannat de notre pays (a). C’est par abus de langage que vous parlez de paysans, vous avez affaire à des métayers des trusts de l’agro-bizness, pris dans un péonage qui n’a rien à voir avec celui de l’Amérique du Sud. La zad n’est plus une zone naturelle depuis longtemps. Remembrée et empoisonnée, elle fut l’objet de tripotages financiers politico-mafieux éhontés entre divers gangs qui se sont servis de vous, à votre insu, pour faire monter les enchères ; les quelques personnes qui sont venues vous en parler dès le début se sont fait éjecter au titre qu’elles étaient des diviseurs de cette belle unanimité que le miroir médiatique vous tendait. Chimériques, vous marchiez dans vos têtes entre deux haies de fantasmes, à l’écoute de propos flatteurs, complaisants, dans la chambre des échos. Vous n’êtes ni au Chiapas, ni au Brésil. Ici il faut partir de ce qui s’est passé sur le site du Carnet – non pas de ce qui a été écrit par des militants abrutis – de sa triste réalité de misérables magouilles de fric et de terrains. Vous vous êtes laissé enfermer, enfumer par des politiciens de seconde zone, des subalternes de subalternes. Dès le début, l’opposition sur la zad a été l’objet de chantages internes dans le parti socialiste local, non pas entre des fractions de droite et de gauche à fibre écologique, mais entre ceux qui grimpaient à la suite des victoires électorales de 2012, et ceux qui n’avaient rien, et certains qu’ils n’auraient rien dans le système des dépouilles, à moins que… des idiots utiles puissent être lancés dans ce jeu à plusieurs bandes. Enfin, la répression que vous n’avez pas vue dans sa diversité : empressés que vous étiez à la percevoir dans sa formule casquée, exclusivement. On rira encore longtemps dans les lofts et châteaux d’en France, du retrait des gardes mobiles de la zad, quand s’avançait la brigade de voltigeurs spéciaux de la fine matraque à six pas, des verts et des biens mûrs, des copains quoi ! Sans parler du lourd pourrissement printanier de la lutte entre diverses tendances – dont la préfectorale – dont chacune avait son ridicule point d’honneur à défendre. Pendant que l’étang était siphonné, de graves théologiens s’égaraient en lourdes conjectures sur les zizis, leur nombre : deux, trois ou cinq, et comment les distribuer sur la zad. Qu’on leur greffe des ailes, et qu’ils aillent blatérer aux Limbes une refonte de la langue française ; la tendance à la nominalisation a toujours été le propre des totalitaires. On tremble à l’idée de cette langue administrative, dont nous voyons les prodromes, et dont on ne souligne pour l’instant que le comique et l’appauvrissement du vocabulaire (b). D’autres s’endormaient dans une activité politique lilliputienne, dont leur nombril était le centre de gravité, lestés du poids de cadavres idéologiques, et « pédagogisaient » de jeunes pigeons à prendre les carrés pour des triangles, à seule fin de leur filer les boules. Et pire que tout, une gigantesque et complexe production bureaucratique a proliféré, fabriquée du comité machin qui rencontre le comité truc pour prévoir les prochaines rencontres avec le comité qui gère les clous et ramasse les canettes, au sujet de la refonte du bureau de l’association des derviches-tourneurs du Haut-Adige. On s’étonne que cette administration aussi vaste que virtuelle ne lève pas l’impôt, c’est l’à six pas qui s’en occupe, par patente spéciale. On avait beau chercher un être humain, on rencontrait toujours un militant querelleur et procédurier. Dans le même temps la zad devenait un parc d’attractions pour une clientèle de couples de bobos de gauche comme une concentration de vélos à mille euros, sans compter les éternels normo-marginaux – « eh man, si j’t’comprends bien … » – qui venaient promener leurs uniformes de guimauve, fumer de la bonne musique, avachis dans leur rappeuse mélasse. Dans dix ans, nous les aurons sur le dos, ces moralisateurs, dans la posture d’éducateurs du peuple. Bref, toute sorte de spéculateurs, qui se matérialisaient dans l’instant en une petite secte à la maigre clientèle, allaient et venaient sur cette Zad qui s’enlisait selon un programme bien rodé. Le crétinisme militant semblant devenir le pain quotidien, obligatoire, la soupe idéologique était acceptée avec lassitude. Le zadiste Berlue venait-il d’apercevoir un poulet déserteur, qu’aussitôt deux groupes s’affrontaient : « c’est-i-vrai-ou-pas-vrai » ? Et la question était relancée à chaque assemblée générale truquée, à faire rougir de honte un stalinien exercé. Staliniens que vous faites mine de découvrir bien tardivement, après avoir rompu le pain de l’amitié avec ces crapules. Vous leur avez baisé le cul, à ces ingrats, et vous voilà Grosjean comme devant. Vous trouviez votre silence à leur sujet, digne et efficace, presque subtil, et l’on vous voyait sur cette glorieuse tangente, à chaque fois qu’une de leurs ignominies venait à être évoquée. C’est à genoux que vous êtes tombés dans la nasse fabriquée. Nous ne dirons rien de la famélique et haineuse Françoise Verchère prête à sacrifier Bouguenais pour sauver La Paquelais, ni du zérocologiste de Ayrault : l’apprivoisé et doux François de Rugy, appareil domestique dont vous n’osez pas publier la fiche technique. Nous ne parlerons pas des Verts, tout a été dit sur eux, et publié depuis longtemps. N’avez-vous pas, parmi vous, de vieux camarades ? sont-ils antérogrades ? Sur la zad, dans la chambre close de la subversion garantie, les misères les plus misérables du plus misérable des milieux – le militantisme – ont atteint, dans une complicité générale, un point de densité remarquable. Après avoir fondu sur ce territoire, au prétexte de sa défense, ces individus en phase probatoire ont déployé leurs structures de contention et de fragmentation, en créant de fausses polarisations, élaborant les habituelles antinomies – violence ou non-violence, légalisme ou illégalisme… – dans le seul but d’obtenir une auto-limitation de la lutte, et une sorte de mobilisation permanente de basse intensité, rythmée par les cérémonies de l’impuissance : festizad, chaîne humaine … Dans la mesure où la réalité de l’opposition s’effondrait, la fiction prenait le dessus. L’organisation de spectacles dérisoires mettant en scène des masses amorphes prouvait, à qui voulait le voir et l’entendre, qu’une reprise en main avait lieu. Ce sont là les invariables ostentatoires et creux de la pseudo-opposition qui veut croire et faire croire que le nombre est le gage de sa puissance et de sa fermeté. Plus que l’incapacité à sortir du cercle fonctionnel d’une imagination appauvrie, tenue en laisse par la société actuelle, il s’agissait de répéter, à l’échelle de la zad, les habituels processus de contrôle que nous retrouvons partout, depuis un demi-siècle, et qui ponctuent de leur grasse positivité le temps vide et linéaire de la marchandise. Les psychotechniciens, ces pousse-cul de la masse, interviennent et se postent sur certains points en litige de leur monde horizontal, avec une agilité que vous devriez leur envier, pour affirmer les nouvelles lois de ce monde, ses us et coutumes – le refus dans l’ordre et sur ordre. Sur la zad, devenant progressivement, par anticipation, sous la conduite des managers protestataires, cet espace sans qualité que les aménageurs du territoire nous promettent, sous sa forme aéroportuaire, votre utilité est devenue résiduelle. Le démantèlement du refus, qui de rampant était devenu ouvert, n’a même pas été perçu chez la majorité des zadistes* : c’est avec une candeur désarmante que nombre d’entre eux ont collaboré au show de leur normalisation. C’est avec une épaisse fausse conscience que ces pousse-cailloux de zad ont participé à la chaîne humaine, cette dégringolade vers la machine, l’uniforme et l’inhumain. Les rares et superficielles critiques qui se firent jour à ce moment furent vécues comme un véritable drame, et étouffées par quelques escrocs intellectuels, déguisés en libertaires (c). L’opposition venait d’éclater au profit d’un partenariat de type commercial entre différents opportunismes, chacun ayant sa chasse gardée, chacun élaborant une micro-stratégie commandée par des intérêts dissimulés, qu’ils soient financiers, territoriaux, policiers, ou plus abjects encore : électoraux. Les wire-pullers étatico-marchands sauront les araser à leur tour, mais pour l’instant, à petits pas, ils ont su créer l’opposition avec laquelle négocier. La tendance de la domination est toujours d’user de son ascendant plutôt que de la contrainte directe : la répression feutrée (d) étant la règle dans la régularisation du mécontentement ; les bouffées de colère, ou de rage, deviennent l’un des moteurs du mécanisme social fondé sur l’aliénation. Restera le bluff, l’habituel bluff associatif, et quelques ignobles personnages comme l’imposteur Durand de l’a six pas – dark zador ©- et diverses sangsues locales, dont il faudra établir le dictionnaire complet.
Opposés à toute forme de conciliation – et cela avec raison, vous avez toléré les conciliateurs, comme un mal sans importance ; secondaire. Vous avez oublié que la recherche de la conciliation est l’apparition de cette sorte d’hommes prêts aux compromis les plus tordus et les plus infâmes que tout parti – du plus infime au plus vaste, du plus convaincu au plus foncièrement hostile – contient d’une manière occulte, ou publique. Il s’agit de pauvres esprits taraudés par le pouvoir, par tous les pouvoirs, et qui pour cette raison, sans se préoccuper du drapeau sous lequel ils se sont enrôlés – enfin pas plus que cela – vont chercher leurs mandats, et leurs salaires, chez la puissance adverse. Ils savent que ceux-ci sont plus durables, plus effectifs, moins sujets à contestation que ceux qu’ils pourraient tenir d’une assemblée véritablement démocratique. Sœur Anne n’as-tu rien vu venir ? Vraiment ?
Héric, le 28 juin 2013
Barbe-Bleue et les déserteurs de la nouvelle frontière

*L’invention du zadiste par les médias alternatifs, et reprise par les médias officiels pendant le dernier semestre 2012, chacun y ajoutant sa touche, restera comme un événement comparable, sous certains aspects, à un reality show, et il fut vécu comme tel par nombre de militants spectateurs, pris par un « cliffhanger » quotidien : nos héros réussiront-ils à reconstruire la cabane ? Les snobs d’extrême-gauche venaient flairer la bonne affaire, propre à relever leur salmigondis idéologique de cette fameuse « nostalgie de la boue ». Concept fourre-tout, le zadiste se définit, chez ses admirateurs, moins par son intransigeance que par sa capacite à limiter ses objectifs par un vain souci de réalisme. Hésitant entre l’action révolutionnaire et l’utilisation de procédés légaux qu’il finit toujours par choisir, le zadiste se condamne à rester dans la marge qu’on lui dessine : sa critique n’effraie personne, et lui-même s’effraie à l’idée d’effrayer. Ses actions ne visent qu’à ébranler le temps médiatique par une succession de pseudo-évènements sans véritable impact, autre que celui de donner de la copie aux journalistes qu’il affecte de mépriser mais qu’il croit indispensables : il leur crache à la gueule, et l’instant d’après répond à leurs interviews. Poreux à toutes les influences, à de nombreuses modes, depuis la coiffure et les vêtements qui le rendent reconnaissable parmi les multiples rôles que propose cette société, jusqu’à l’absorption de théories universitaires élaborées pour l’égarer – gender studies, déconstructivisme, situationnisme institutionnel et ses multiples succédanés – le zadiste est une projection de l’impuissance à dépasser les limites et les normes de l’univers contestationnaire. Son « autre monde », qu’il nous décrit dans d’interminables bavardages, n’est qu’une sorte de centre de loisirs, où les masses passionnées par ses soins, se livreraient à la construction de toilettes sèches et de murs en pots de yaourts récupérés. A l’écouter pérorer sur les grands sujets du moment, et sur ce qu’il se propose de faire, l’on frémit que cela puisse avoir un début de réalisation. A s’être limité, en permanence, au refus de la zone aéroportuaire, il s’est mentalement enfermé dans le maillage mental environnementaliste et son univers dépressif fait d’apocalypses sans cesse reculées. Son univers intellectuel divisé entre un être idéal en état d’ébriété idéologique, et un être englué dans une quotidienneté sans gloire, fait du zadiste une monade hors-sol, littéralement sans mémoire, dans l’incapacité à saisir le monde dans lequel il vit. Son univers est peuplé d’êtres imaginaires, de rumeurs et de supputations. Son monde n’est pas celui de Ia liberté, mais celui du repos dans une morne égalite : c’est dans cette mesure qu’il fait l’admiration de ses aînés ensommeillés, et enthousiasme de vieilles institutrices émaciées qui font de la bicyclette. Ce client farfelu de toutes les idéologies, des plus absconses aux plus drôles, des plus décérébrées aux plus impossibles, du chamanisme informatique au véganisme astrologique, s’est cru une force, alors qu’il n’est qu’une péripétie supplémentaire de l’ensemble de ces vieilleries. La zad qui avait menacé, pendant un bref moment, de devenir un lieu face au non-lieu des urbanistes de Ia corruption, de la finance et de ses commis politiques, s’est transformée en un parc d’attraction dominical de l’opposition spectaculaire. Le zadiste, créature médiatique, va entrer dans les annales de la subversion d’apparat, juste après « l’indigné », comme un être pittoresque : une invention digne d’un concours Lépine, un jour de grand vent. « Que sera, sera… »
NOTES
a- L’ignorance crasse à propos du maillage sécuritaire de la campagne, est confondant chez le militant parachuté : Nature, Chasse, Pêche et Tradition n’évoque chez lui tout au plus qu’un parti politique, et non pas un ensemble de groupes paramilitaires qui ne font aucune distinction entre un sanglier et un zadiste, à la grande joie de leurs patrons.
b- Là où le bureaucrate dissimule son existence, le ça militant se manifeste par une forme de dégénérescence majeure des fonctions cognitives supérieures. L’intervention sur la langue, les tentatives de création d’une zadlangue, ou cacolangue, antisexiste aux tristes néologismes au prétexte de lutter contre la domination masculine n’ont été que les résultantes d’une pensée faite de ressentiment et d’un désir infantile de pouvoir. « La langue qui pense et poétise à ta place… » (Schiller) de ce poste de douane au milieu d’une forêt de matraques a réussi à censurer quelques textes. Ces vénères de zad s’inquiétaient de garder une massue d’avance sur une bande de gourdins. Nous sommes impatients de lire leurs textes trempés dans l’écume de métal de l’ultra-libéralisme.
c- A écouter un grand nombre de personnes de la zad, ou pro-zadistes, les tensions entre les différentes sectes, qui chacune défendait avec une bêtise têtue le pré-carré de son orthodoxie, renforçaient le dynamisme et l’harmonie de l’ensemble. Certains l’écrivirent avec lyrisme, et théorisèrent cette utopie – où l’on se cherche mutuellement des torts pour s’infliger des affronts. Aucune ne voulait concevoir cela comme un modèle de neutralisation mandevillienne – passions contre passions, intérêts contre intérêts – et une glissade permanente vers des accords a minima.
d- La répression feutrée détermine de manière subreptice les formes et le contenu du combat. Elle définit le champ où celui-ci doit s’exercer, le nombre et la qualité de ceux qui y prennent part. Elle définit les modalités de la lutte, évacue ses manifestations violentes, impose des normes et des symboles, encourage la production de substituts. La forme spontanée du « nous contre eux » est remplacée par un modèle horizontal d’affrontement. Un ersatz surgit – le participant – dont la table des valeurs est pratiquement la même que celle de son adversaire ; c’est une conscience engluée dans une atmosphère d’acceptation et d’allégeance.
NB : « à six pas », version d’un pas de danse locale, s’écrit également, en novlangue, ACIPA
Le texte auquel il est répondu ici est disponible sur le blog du collectif de lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sous le titre « Allez les gars ? Combien on vous paye ? Combien on vous paye pour faire ça ? »
NOTES POUR LA PRESENTE EDITION
« Si l’on ne tient compte que du retrait du projet d’aéroport, la lutte dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes a été une victoire. Mais si l’on prend en compte l’éradication de tout projet de coexistence collective et le rétablissement des activités économiques conventionnelles, on pourrait aussi parler d’échec. Dès le début, les composantes de la ZAD avaient des objectifs disparates et incompatibles : l’ACIPA était une association citoyenne pacifique et d’apaisement ; COPAIN, une organisation de paysans expropriés ennemis de l’agriculture industrielle et ayant largement aidé à la mise en place des pratiques dites d’autosuffisance ; puis il y avait le Comité de coordination des opposants au projet, composé d’entités politiques et syndicales, les comités de soutien extérieurs, les occupants caméléons de la ZAD dirigés par l’autoproclamé CMDO (les appellistes), et, enfin, les groupes de la ZAD de l’Est, anarchistes, primitivistes, les Sans Fiche (nom d’un groupe d’occupants) et en général anti-autoritaires comme ceux du réseau Radis-co, qui se sont battus pour la gestion collective d’une Zone d’Autonomie définitive. La coexistence n’a jamais été facile et l’horizontalité a toujours brillé par son absence. Les assemblées générales ont été le théâtre de manœuvres, de manipulations et de combats continus. De nombreux groupes ont cessé d’y assister ou en ont organisé d’autres. Finalement, une « unité » s’est forgée entre les factions citoyennes et les partisans du CMDO pour négocier avec l’État, en laissant de côté les discordants. La « victoire » tant vantée se traduisit par la démolition des défenses anti-police (« chicanes ») et des cabanes à l’Est, la distribution de quelques parcelles de terrain individuelles, l’expulsion des occupants intransigeants et le retour à l’ordre. Ceux qui ont vraiment gagné et, comme on le dit communément, gardent les clés du camion, ce sont les appellistes, un groupe autoritaire à l’apparence informelle qui agit comme un véritable parti conspirateur.
Comme les appellistes pensent exclusivement en termes d’efficacité et de contrôle, jamais en termes d’autonomie, ils n’ont pas de discours anticapitaliste très concret, seulement des approches générales et des idées vagues, « nous sommes les 99 % », « la catastrophe est sur le point d’advenir », « tout le monde est bon » et des choses comme ça, mais c’est trop radicaliste pour que cela soit séduisant pour ceux qui y vont de bonne foi. Ce qu’ils appellent leur « stratégie » repose sur la mise en avant (avant phagocytage si besoin est) des comités locaux, le monopole de la coordination, la fabrication de consensus fous avec des éléments hétérogènes, la réalisation de compromis contre nature masquant les différences insurmontables par la phraséologie, et repoussant les « puristes » dissidents par la violence si nécessaire. Le désir d’apparaître comme des interlocuteurs valables avec le pouvoir établi les amène sur le devant de la scène, ils doivent donc se mouvoir avec aisance face aux caméras ; il faut être sur la photo à tout prix, l’impact médiatique légitimant la représentativité plus que la lutte elle-même. En coulisses, ils constituent la structure verticale, opaque, manipulatrice où l’on tire les ficelles ou l’on fait semblant de le faire. En 2021, les appellistes ont transféré aux Soulèvements le style avec lequel ils ont réussi à s’imposer dans la ZAD. Le fonctionnement en réseau a favorisé la mise en place et la dissimulation des états-majors, chargés de distribuer les tâches et de s’attribuer toutes les responsabilités possibles.
C’est pourquoi aucune réunion ou assemblée publique n’a jamais eu lieu dans les SDT. Tout au plus, une consultation dans l’espace virtuel. La réflexion et le débat ne sont pas considérés comme nécessaires car ce qui est urgent, c’est l’action, et pour cela l’important est le nombre de personnes qui peuvent s’agglomérer, d’où qu’elles viennent, et par conséquent, inviter les tendances les plus diverses, des Verts, des syndicats traditionnels et des partis officiels, jusqu’aux gauchistes de différentes allégeances, féministes et libertaires. Les institutionnels d’un côté, les radicaux de l’autre, et les experts des Soulèvements au milieu. Tout le monde peut adhérer aux SDT quelles que soient ses idées, que ce soit à temps partiel ou à temps plein. Les seules questions abordées sont des questions techniques et de gestion. Les grandes décisions sont toujours prises à l’avance, en toute verticalité. Dans les conflits mineurs, les comités locaux sont libres d’agir à leur guise. Mais si l’impact publicitaire est suffisamment prometteur alors une équipe de dirigeants débarque pour l’exploiter. Le combat est vampirisé : des règles strictes et des filtres sélectifs sont imposés qui durent jusqu’à ce que les news se refroidissent et perdent leur accroche. L’énorme recul de la pensée critique lié à l’évanouissement du prolétariat révolutionnaire, l’oubli de ses assauts contre la société de classe et la désintégration du milieu libertaire, ont créé les conditions pour que ce type de pratique se répande sans problème, sous les applaudissements des « personnalités » néo-léninistes qui y souscrivent effrontément. »
27 avril 2025
Miguel Amoros
(2) « Au deuxième degré de ces inquiétantes farces, une technique, plus subtile, mérite d’être décrite, car elle est en passe d’être codifié : dans un premier temps, afin de déprimer toute critique, se porter au secours des actions segmentées du Département des Emotions, en garantir l’authenticité négative avec une sincérité étudiée, et quand la plaisanterie vient à lasser, parce qu’elle dure, la dénoncer dans un falsifier-vrai. Il ne faut en laisser le soin à personne d’autre. Au temps de l’esclavage cybernétique toutes les entreprises de la nouvelle police tendent à la circularité. » Jean-Paul Floure – Etude de zonage, Editions Birnam, février 2001
ADDENDUM
PMO nous ayant adressé leur texte « Vencorex et la gauche écocidaire » nous leur avons répondu ceci, le 31 mai 2025 :
Bonjour,
Nous avons suivi, sans étonnement, la pitoyable affaire de « vencorex », et les propos édifiants des diverses ordures du syndicat de la machine qui sont venues répandre leurs miasmes à son sujet : la palme de l’ignominie revenant à l’écologisme (cf. Cyrielle Chatelain).
Que « les soulèvements de la terre »*, et bien au-delà : c’est-à-dire la réunion de tous les imbéciles et crapules convaincus de trouver dans l’élargissement de la tyrannie techno-industrielle – la réappropriation des moyens de production par ceux-là même que cette tyrannie et ses moyens de production ont réduits de mille manières, sous la conduite de leurs différents managers, à l’état d’hilotes jetables – témoigne d’une manière incontestable de la joie** qu’éprouvent certains de nos contemporains à ne jamais quitter l’endroit exact où ils sont perdus, écrasés. Le productivisme reste la structure fondamentale de leur monde, même s’ils en contestent ou en regrettent quelques abus qu’ils se proposent d’atténuer par un sophisme inédit ou d’arrondir à la somme inférieure en cas de véritable rébellion, pour peu qu’on leur en laisse la gestion imaginative – le salut par la machine. Ce productivisme semble pouvoir tout régler jusqu’à son propre désastre devenu à son tour, et mieux que le pétrole, un gisement infini de profits et de carrières. Nous sommes face à des révoltes au contenu depuis si longtemps aboli qu’elles finissent de se confondre, aujourd’hui, avec les plus répugnantes revendications de l’esclavage.
Cordialement,
Jean-Paul Floure
* « Les soulèvements de la terre » sont une structure de contrôle. Il n’y a pas lieu de parler à leur sujet soit d’une trahison, soit d’une dérive. Ils font le job prévu, sans surprise. La plupart d’entre eux finiront dans le « culturel », s’ils n’en viennent pas. La liste de leurs soutiens est confondante et ne permet aucune équivoque à ce sujet.
**et de fatalisme, quand on écoute certains ouvriers qui n’imaginent pas que l’on puisse sortir de la logique du capital, alors que celui-ci les envoie au rebut.
