ÉLÉMENTS POUR AFFINER LA THÉORIE DE LA SOCIÉTÉ CYBERNÉTIQUE*

 

 

Les systèmes formels (ensembles d’objets abstraits et de règles de construction de nouveaux objets plus complexes) associés à des mécanismes d’interprétation (moment où les passions humaines animent les structures de pouvoir réalisées dans ces systèmes formels) permettent de modéliser l’activité cybernétique. 

 

Il existe deux grandes catégories de systèmes formels :

-Les systèmes formels exacts (réguliers) construits par les logiciens, qui servent de faire valoir et de justification théorique, comme, par exemple, la logique des prédicats.

-Les systèmes formels approximatifs (séculiers) utilisés pour bâtir les spectacles, comme par exemple, le droit.

 

Les spectacles sont des systèmes formels où l’interprétation est dénotée échangiste marchande. Les idéologies sont des systèmes formels où l’interprétation est dénotée politique, religieuse ou sectaire.

La production des systèmes formels n’est pas une activité récente, mais c’est uniquement dans la société cybernétique qu’elle devient centrale, régissant toutes les autres formes de productions.

 

L’exploitation de la force des passions ne peut être industriellement réalisée qu’à l’aide de cet outil apparemment théorique et innocent, en combinant les processus de réification et d’incarnation.

La réification est le moment où l’être humain est intégré comme partie du système formel, devenant ainsi objet ordonné.

L’incarnation est le processus inverse, moment où l’être humain fait travailler ses passions en combinaison avec les autres éléments qui composent le système formel, lui donnant vie – en quelque sorte.

 

Le premier temps est celui de la police politique, le deuxième temps est celui du pouvoir.

Dans le mode de production cybernétique, le rôle de la police politique est de comprimer le vivant pour le transformer en objet, celui du pouvoir est de consommer l’expansion passionnelle après cette terrible compression. La terreur, lorsque le prolétariat commence à résister, apparaît comme le moyen ultime pour produire cette réification. Ce processus est le signe de la décomposition générale de la société cybernétique, et la marque de sa fin. La science informatique se développe comme support matériel pour gérer cette production particulière : elle s’appuie sur le système formel universellement reconnu des entiers naturels ! Le processus de numérisation caractérise ce temps où toute abstraction de la réalité matérielle (information) est transformée en une suite de nombres entiers, qui pourra être intégrée à la structure en tant que composant. Les logiciens, ainsi que leurs prédécesseurs, bourgeois, aristocrates, esclavagistes, féminivores, accumulent les outils nécessaires à leur pouvoir, outils qui seront également à l’origine de leur fin, car ils les rendent inutiles. Par une ironie de l’Histoire, les classes dominantes n’ont accumulé, à leur grande frayeur, que les instruments de leur fin.

 

 

 

FIN DE LA SOCIETE CYBERNETIQUE

La classe des logiciens, lorsque la forme spectaculaire marchande de la société cybernétique entre en crise durable, se propose de rationaliser la décomposition catastrophique de cette dernière. Elle se heurte à la concurrence de trois classes antagonistes :

La nouvelle bourgeoisie issue de la forme marchande de la société cybernétique ; elle est bien visible dans le positif. Elle est confondue, souvent volontairement et d’une manière intéressée, sous la dénomination de « libérale », avec l’ancienne bourgeoisie.

Une classe substituée au prolétariat, de faux révolutionnaires, de religieux, d’idéologues et de policiers politiques, artistes en leur genre, véritables nihilistes. Nous reconnaissons en eux les descendants et héritiers directs de toutes les tyrannies connues. Leur rôle est de prolonger, et de renforcer, l’exploitation cybernéticienne, par la production organisée de la terreur, sous toutes ses formes.

Le prolétariat qui regroupe l’ensemble des formes historiques de pauvres, unifié par l’exploitation universelle de la classe cybernétique – le talon de fer.

Le prolétariat commence par déserter les champs de batailles passionnels, préférant la pêche à la ligne, la plage, à toute autre activité réputée passionnée au grand scandale des spécialistes de l’exploitation nihiliste. Et pour qu’il entre, en bon ordre, dans les usines à produire de la structure, la terreur est nécessaire.

La police politique se scinde en une police officielle et une police parallèle dite terroriste, apparemment antagonistes.

La production de systèmes formels à caractère positif comme les spectacles, stagne, régresse ; c’est alors que la production de systèmes formels dégénérés : les catastrophes organisées, intervient comme une relance de cette forme de production (cf. nazisme et stalinisme) ; elle finit par s’imposer. Cette nouvelle production terroriste, qui existait sporadiquement, lors des crises, dans les sociétés organisées en classe, devient, de plus en plus, la forme de toute production dans la société cybernétique finissante.

D’abord, le prolétariat, victime de cette exploitation féroce, est abasourdi ; qu’il comprenne, et il fuira, avec armes et bagages, les mortelles tranchées du nihilisme. Il prendra en main l’organisation de la société.

Hegel matérialiste, avril 2004

H.G.H.

*ce texte est la préface à la troisième édition (2004) de « L’analogie structurale, première contribution à la critique de la logique politique »