CRISTAL CYBERNETIQUE*, UNE ARCHIVE DU « BRAVE NEW WORLD »

 

   « Il est même possible que des « amautas » d’une intelligence supérieure aient voulu aller plus loin dans cette voie et qu’ils aient tenté par ce moyen de comprimer certaines circonvolutions cérébrales afin de créer des individus de mentalités déterminés. Un chroniqueur indien prétend que l’Inca utilisa ce procédé pour rendre ses sujets obéissants. Ce serait là le terme logique d’une politique de rationalisation : la fabrication des esclaves. » Louis BAUDIN

   « Ils veulent se l’approprier sans réserve, l’employer et le garder, de la naissance à la mort. Ils le prennent par l’éducation, avant que la raison éveillée ne puisse se mettre en défense, ils le dominent par la prédication, et le gouvernent dans ses moindres actes par la direction. » Jules MICHELET

En 1946, deux personnages du nom de Boll publiaient un livre intitulé : « L’élite de demain ». Ils exposaient dans cet ouvrage quelques principes de base de la surveillance comportementale, avec une clarté et une naïveté confondante. Cette surveillance comportementale, qui est l’un des volets des « lois sur les pauvres », « là où règnent les conditions modernes de production », a été, à ses commencements, menée d’une manière presque spontanée, par divers groupes ou réseaux d’amateurs au service d’idéologies prétendument progressistes. Il s’agissait d’améliorer un cheptel humain qui présentait de regrettables irrégularités et déficiences, des « aspérités » (1), et de le conduire, par degrés insensibles, vers les terres promises de l’utopie-capital, sous le prétexte de l’instruction. Instruction qui, finalement, n’est jamais accordée qu’à une minorité – dont les maîtres se sont toujours assurés, par les gratifications accordées, qu’elle considérait sa sujétion comme un rare privilège (2). Par la suite cette surveillance comportementale a été menée selon des critères rationnels, recouverts d’un vernis scientifique, par des professionnels de « l’homme nouveau » munis de tous les crédits, ainsi que de tous les brevets d’honorabilité. Désormais nous avons affaire à une collusion de toutes les institutions de l’esclavage, au moment où l’instruction, rendue caduque du fait de ses imperfections reconnues par les spécialistes de chose (3), s’est transformée en éducation qui accompagne de ses réformes inouïes et permanentes, les progrès de l’illettrisme et de l’ignorance. L’aboutissement calculé de cette surveillance, qui est désormais une fabrication qui ne se dissimule même plus, est l’actuelle prédominance de quelques modèles humains appauvris, élaborés en série, vantés par la machinerie du désastre, dont le caractère commun se manifeste par une indéfectible loyauté envers ce qui est, accompagnée d’une inépuisable capacité à se soumettre aux procédures les plus déroutantes de la domination et de l’exploitation. Quant aux excentriques, ils ne sont plus que des ombres lointaines dans les herbiers du néant. Qui pourrait s’en plaindre, et surtout, à qui ?

« La médiocrité des procédés éducatifs (publics aussi bien que familiaux), jointe à l’incohérence d’une pédagogie anachronique et finalement couronnée par un mode caricatural de sélection (certificats et diplômes), fournit, sur la diversité des caractères et des intelligences, une documentation aussi pauvre qu’arbitraire. Ne pourrait-on pas envisager qu’il soit dressé, pour chaque sujet, une sorte de fiche physiopsychologique, tenue à jour, dans laquelle seraient mentionnés (outre l’état sanitaire) les différentes caractéristiques de la personnalité innée et les modifications apportées par l’éducation et l’instruction ? Aux renseignements fournis par les parents, dans l’intérêt même de leurs fils et filles, s’ajouteraient l’avis motivé de médecins, de psychologues, puis celui des instituteurs, maîtres et professeurs. Il va de soi qu’un pareil document resterait secret et ne pourrait être communiqué que dans des circonstances exceptionnelles.

« Qu’on ne taxe pas ces projets d’innovations utopiques ou d’investigations désobligeantes…Car la péninsule ibérique et l’Amérique latine n’ont pas hésité à incorporer, dans leur système éducatif, un questionnaire des « dons psychiques », sorte de fiche médico-psychologique, dont nous reproduisons ci-contre le modèle courant.

« On mesurera l’intérêt de telles précisions, tant pour le rendement des disciplines formatives que pour le choix ultérieur des professions. »

QUESTIONNAIRE DES DONS PSYCHIQUES

DISPOSITIONS INNEES

*AVIDITE ou disposition à acquérir :

De richesses ?… De plaisirs ?… De succès ?… D’honneurs ?… De responsabilités ?… De diriger ?…

*BONTE ou disposition à aimer :

Ses condisciples ?… Sa famille ?… Ses supérieurs ?… Altruiste ?… Charitable ?… Généreux ?… Egoïste ?…

*SOCIABILITE ou disposition à plaire :

Menteur ?… Flatteur ?… Dissimulé ?… Aimable ?… Poli ?… Franc ?… Cynique ?… Vantard ?… Taciturne ?… Sensible aux éloges ?… Aux blâmes ?… Aux châtiments ?…

*ACTIVITE ou disposition à agir :

Indéfinie ?… Matérielle ?… Expansif ?… Lent ?… Apathique ?… Inerte ?…

*EMOTIVITE ou disposition à réagir :

Sensible ? … Impressionnable ?… S’attristant facilement ?… Peureux ?… Anxieux ?…

CARACTERISTIQUE DOMINANTE

AVIDITE ?… BONTE ?… SOCIABILITE ?… ACTIVITE ?… EMOTIVITE ?…

APTITUDES INTELLECTUELLES

*MEMOIRE ou aptitude à retenir :

FORME : Facile ?… Rebelle ?… Tenace ?… Frustre ?…

OBJET : Faits ?… Paroles ?… Idées ?… Nombres ?… Choses ?…

IMAGINATION ou aptitude à combiner :

Romantique ?… Héroïque ?… Scientifique ?…

JUGEMENT ou aptitude à comprendre :

Superficiel ?… Profond ? … Lent ?… Rapide ?… Dispersé ?… Concentré ?… Inductif ?… Synthétique ?… Déductif ?… Analytique ?…

CARACTERISTIQUE DOMINANTE

MEMOIRE ?… IMAGINATION ?… JUGEMENT ?…

DISPOSITIONS ACQUISES

EFFET DE L’EDUCATION :

Indifférent aux personnes ?… Aux choses ?… Respectueux ?… Discipliné ?… Attentif aux principes ?… Obéissant ?… Méthodique ?… Ordonné ?… Sens moral ?… Vicieux ?… Perverti ?…

POUVOIR D’INHIBITION :

Aux mouvements involontaires ?… Maîtrise de soi ?… Résistance aux désirs ?… A la douleur ?… A la colère ?…

EVOLUTION

(Depuis le dernier questionnaire)

PHYSIQUE ?… INTELLECTUELLE ?… MORALE ?…

                                                                                                     MARCEL ET ANDRE BOLL – « L’ELITE DE DEMAIN » 1946

NOTES

1-Selon le langage militarisé de l’un des bouffons enragés du gouvernement mondial de la marchandise, lors de l’une de ses ennuyeuses péroraisons médiatiques de zéro pensant qui rythment par des menaces et des sanctions – les tours de vis, le couvre-feu… – le déroulement faussement chaotique du coup d’Etat du covid-19, putsch dynamique qui semble ne devoir jamais en finir. C’est aussi un coup d’Etat qui balaye par section l’espace bureaucratico-marchand, sur lequel les opérations de maintien de l’ordre sont soutenues par les actes de terreur d’un personnel de crétins programmés, surgissant comme autant de points d’orgue dans l’exécution d’une partition prévisible, quand l’appui de masse semble se dérober. Ce n’est pas l’Etat despotique qui attaque, c’est le despotisme qui est attaqué : quel beau retournement !  L’agenda des attentats, dans sa version aléatoire, se révèle productif pour qui sait mettre à profit ses opportunités dans le brutal gouvernement des émotions et son calendrier de démantèlement du « welfare state ». Chaque section du territoire, balayé par le coup d’Etat, devient un laboratoire économico-social pour les autres, dans une progression par paliers de compression, où chaque action effectuée revient sur ses échecs et contourne les résistances à peine esquissées de ceux qu’elle vient de surprendre dans leur sommeil ; elle formalise également ses réussites par la publication résolument brouillonne de normes contraignantes, et légifère sans bruit pour imposer les géométries policières du « nouveau monde » et les compositions spectaculaires de l’aliénation : la « mise au pas » de tous les aspects d’une vie sociale entravée, appauvrie autoritairement sous les approbations de toutes les factions maffieuses de l’Etat qui, en ces matières, ne marquent jamais que de relatives hésitations, quant au mode organisationnel et au déroulé du putsch, dans leur soutien exalté au nouveau régime. Leur part sans gloire a été dessinée de longue date : tout doit être tu ; et si, à de rares occasions, nous entendons les trompeuses et vagues mises en garde en paroles de quelques hésitants, il nous faut remarquer que leurs décisions et leurs actes vont aussitôt dans un sens opposé. Voilà qui renouvelle un genre – l’archéo-putsch, lourd et statique, gâté par ses excès de militarisme, et sa vieille imagerie – par une série d’innovations stratégiques en matière de contre-attaque – la contre-révolution par percolation – et de défense mobile, opérer des renversements de fronts, effectuer des retraites sur ses propres objectifs, dissimuler ses lignes d’opérations, soulever des partisans chez ses ennemis déclarés, que l’on a su convaincre, par avance, que toute résistance est nécessairement vouée à l’échec, et que l’on a doté, pour ce faire, d’un ensemble rhétorique justificatif ad-hoc. Il n’est que de songer à l’utilisation des différentes lignes discursives décontextualisées de l’agent orange Foucault par une opposition contrôlée et intégrée en complète déroute (cf : l’utilisation du souple concept de « biopolitique » qui confirme, par une parodie critique appuyée par un clignement d’oeil, les pseudo-préoccupations sanitaires avancées par les putschistes à la fausse pandémie, et finalement permet la dissimulation d’un coup d’Etat ouvertement policier sous les artifices d’une légitimation en zig-zag. La santé est devenue une plaisanterie à l’époque des nouvelles famines segmentées et invisibles, engendrées par l’abondance empoisonnée. Elles ont fait leur apparition au centre du système, comme l’une des arcanes de la domination ; ceux qui gouvernent le capitalisme dans sa grande catastrophe cherchent, sciemment, à n’avoir en face d’eux que des êtres en carence).

2- L’extinction de nombreuses libertés, comme un remède à tout, au profit des prestiges du dressage cybernétique et d’une existence en réduction tétanisée par le travail et la consommation dirigée, rend palpable, au plus obtus de nos contemporains, le règne de la logique relationnelle, imposée par le fétichisme de la marchandise, comme seule forme de vie disponible et possible – le quantitatif à tous les étages, la loi de la valeur comme soubassement de l’édifice, la fin du social engendrée par les programmations, les contrôles, les prévisions du « sociétal » et de ses ingénieurs. C’est un processus qui est alimenté par la destruction de la vie courante – si ennuyeuse – et de l’infra-politique, qui, hier encore, semblaient pouvoir surnager, en partie, au-dessus des invasions bureaucratico-marchandes, et former comme de fragiles îlots de résistance face à la réification généralisée de l’existence.

3- On y apprenait à lire et à écrire avec un certain degré de qualité, et parfois à penser ; c’est ce dont la société cybernétique n’a plus besoin dans la formation de la grande majorité de ses exécutants souvent munis d’une forme de savoir très-abrégé, d’un caractère sommaire et expéditif. Le spécialiste en est un exemple accompli, lui qui se targue d’être resté si longtemps à l’école qu’il croit, sous la domination des médias, que la maladie est un désordre social que l’on guérit par la privation des libertés. Le progrès dans la désintégration de la raison étant ce qu’il est, on peut dire, sans trop se tromper, que des gens qui croient en l’existence d’une pandémie mortelle ne peuvent pas ne pas croire en l’existence des extra-terrestres : ils sont prêts à les accueillir. Il est là le charme du « citoyen informé », et des fables renversantes que ses maîtres lui servent, et qu’il écoute sans protester. « Dans la société cybernétique l’essentiel du savoir devient progressivement secret ; il est la possession d’une caste prétendument inexistante et invisible, autant que le nez au milieu du visage ; au reste de la population, prolétarisée et encadrée par une large strate de demi-sachants et de faux initiés : l’information, et son maelström de falsifications. L’information est la glorification sournoise du monde de la marchandise. Destinée aux masses, elle entretient les consciences en miettes. Dans une société où ce qui est proche est ce qui se passe sur les écrans, elle réalise d’une manière totale, la destruction de la connaissance – ce vieux projet totalitaire ; on peut presque définir la circulation de l’information comme une série de bibliothèques qui brûleraient en permanence. Les rationalisations de l’esclavage menées par les puissances de la régression nous ont menés vers l’accomplissement techniquement suréquipé de ce qui était déjà présent à des stades plus rudimentaires des sociétés humaines, chez les Incas, par exemple : « L’indien du peuple ne connaissait qu’une histoire expurgée, mais les membres de l’élite n’ignoraient pas les ombres ainsi cachées. » ** Le résultat est la confirmation des modestes commencements par des moyens aggravés (…) » Préambule aux travaux d’été de la fédération Anticybernétique (mars 2002)

*https://nhglobalpartners.com/fr/introduction-au-systeme-de-credit-social-aux-entreprises-en-chine/

**Louis Baudin, La vie quotidienne au temps des Incas.

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