« Doit-on parler aux somnambules du sommeil de la raison ? »
Dans la société cybernétique, la critique sociale est devenue une activité maudite, désormais remplacée par les programmes taylorisés et spécifiques de l’information utilisés par la nouvelle police. « Ce qu’on ne vous montre pas n’existe pas, ce dont on ne parle pas, encore moins » est l’un des axiomes centraux de l’information ; pour le citoyen informé, c’est ce qu’il lui est impossible de contester sans commettre un crime. Son adhésion forcée aux mécanismes de l’information, renouvelée jour après jour, l’enchâsse dans l’espace social des objets, le ploie dans une soumission machinale, organise ses circulations comme ses obligations, le dirige dans ses travaux et dans ses désirs, dessine les restreintes d’un monde qui s’est contracté à la dimension d’une vacuole, avec le vide par-dessus et par-dessous l’abîme. Cela garantit la permanence de ses liens de dépendance et oriente ses refus sur les objectifs prévus : ceux de la marchandise – le contrôle de sa survie et de ses adaptations successives. Cet arrimage permanent à l’information qui assure, pour partie, sa synchronisation totalitaire, le structure également en composant normalisé de la domination, pilote les amoindrissements de sa conscience, conditionne la qualité de ses perceptions, oblitère sa présence au monde, permet la levée de ses émotions et leur suivi, règle l’exploitation de ses passions jusqu’à leur anéantissement dans les structures productives ad hoc, détruit ses soupçons, neutralise ses révoltes, émiette ses plus belles résolutions et les enlise dans les parades du sociétal.
Être assimilé à un « complotiste » a été élaboré, par les ingénieurs de l’inquisition qui gouvernent avec la peur, en véritable entrave psychique déterminant les mobilités spirituelles du citoyen informé. C’est un tourment que ses maîtres lui infligent à doses répétées et sous toutes les formes possibles : il surgit de partout dans le panoptique cybernétique avec un impact grandissant. C’est une peur qui paralyse l’exercice de sa pensée, la programme sur les figures que lui impose la domination pour lui dissimuler son exploitation et le bloquer dans les cages mentales du gigantesque nœud borroméen que constitue la société cybernétique.
L’élément « cybérien » n’accepte, finalement, d’être instruit que par ses maîtres et par bribes mélangées de mensonges. Il craint tellement d’être désigné, par les maîtres qu’il s’est choisi, comme un crétin malfaisant et passéiste, qu’il préfère hurler avec les loups sur tous les sujets du jour : enfin se tenir aux pieds de ses maîtres, heureux de s’être trouvé un ennemi commun avec eux : le complotiste, afin de légitimer cette invraisemblable république des âmes mortes où chacun peut jouir de l’égalité parce que tous sont également dégradés. Et que vienne à disparaître la considération que ses maîtres lui accordent avec une parcimonie calculée jusque dans ses délais – avec un dosimètre – le voilà aussitôt coupable, désigné comme l’un des artisans du malheur collectif, dont il est le virus transmissible. Il préfère s’entretenir de sa liberté – cette chose devenue, au fil du temps, sans odeur, sans couleur, sans saveur, qui a coulé dans un trou sans fond au milieu du cauchemar – avec ceux qui ont présenté leurs mains à toutes les chaînes. Il en tire, dans des discussions sans fin, les brevets de bienséance idéologique exigibles de toute monade de la société cybernétique ; elle a été enfermée dans les cercles des infections, des injections, des injonctions : chacun a désormais une vie expérimentale dans le laboratoire mondial.
C’est exactement ceux qui n’ont rien vu venir, ont même prédit le contraire, qui s’extasient désormais, dans leurs protestations molles et aux bords abattus, sur quelques détails de la tyrannie cybernétique, mais pas plus, aux contours indécis et soigneusement choisis, qu’ils viennent d’apercevoir dans la brume toxique de l’information, qui objurguent leurs contemporains de ne point crier au complot, à l’aide de quelques procédés rhétoriques récupérés dans les poubelles médiatiques. Mais que peut-on attendre des attardés et des bêtes à charge du deleuzo-foucaldisme et autres bibelots d’inanité sonore de la décadence, que leurs habituelles simagrées, leurs pauvres contorsions idéologiques et tardives spéculations émises sur le bout de cette langue de bronze qui leur a poussé pendant le débarquement des cybernéticiens ? Les officiants sélectionnés, fonctionnels et d’avant-garde, de cette liturgie bureaucratico-marchande, aux charmes épuisés, sont aussi déficients que leurs litanies, que leurs larmes de crocodile. Leur chapelle est en feu et il n’y a plus d’eau bénite.
Si vous ne nous croyez pas, lisez :
Lundimatin, Lundimaton
Le bulletin de la gauche de conversion cybernétique & de l’immunité artificielle*
* LE VIRUS EXISTE CAR LE MONDE DOIT ETRE GOUVERNE OU « LA LOGIQUE VACCINALE DE MASSE »
« Le fait est que je n’arrive toujours pas à faire le lien entre l’obligation vaccinale et, comme le reconnaissent les fabricants eux-mêmes, l’efficacité médiocre du produit en question : il n’empêche ni de contracter ni de transmettre le virus, pas même de développer une forme grave de la maladie (2) ; qui plus est la protection qu’il offre, et que je ne dénie pas, fond si vite dans le temps qu’elle nécessite l’injection d’une nouvelle dose tous les six mois. » Pour qui sonne le glas ? Témoignage d’un professionnel de santé non vacciné suspendu de ses fonctions, Lundimatin du 4 octobre 2021 ; le numéro 307
2- « NDLR : Nous avons signalé à l’auteur que cette assertion prêtait à confusion. S’il est avéré que les vaccins sont moins efficaces que prévu, notamment vis à vis de certains variants, cela ne remet pas en cause, dans une logique vaccinale de masse, leur bénéfice et leur capacité même moindre à contenir l’épidémie. De même, que les vaccins ne fassent pas disparaître les formes graves de contamination, n’anéantit pas le bénéfice qu’il y a à en réduire la proportion. L’auteur nous a néanmoins précisé qu’il ne s’agissait pas ici d’argumenter contre le vaccin mais de faire part de ses ressentis. » Lundimaton, le numéro 307
« Nous sommes dans une crise à laquelle nous avons à répondre. Peut-être même l’une des plus grandes crises de la modernité tardive, qui pourrait être en mesure de bouleverser toutes nos catégories (6) . Il y a bien un virus duquel nous devons nous protéger et à ce titre des actes gouvernementaux individuels et collectifs sont nécessaires et essentiels (7). » Quelques pistes à prendre ou à laisser. Covid, Deleuze, double contrainte, et Guattari. Théophile Gürtin dans Lundimaton, numéro 309, le 18 octobre
7-« C’est Starhawk qui expliquait face à la crise américaine du coronavirus que dans son monde elle aimerait se passer d’un gouvernement mais que dans le monde actuel ce dont nous avons besoin est d’un gouvernement qui fonctionne bien °. » Lundimaton, numéro 309, le 18 octobre.
° souligné par birnam.fr. De ce gouvernement qui fonctionne bien, qui, désormais, aurait l’audace de douter de l’existence ? Avec le virus, il fonctionne même mieux qu’avant ; d’un lot d’anciennes illusions, qui furent, autrefois, sujettes à d’amères critiques venant de toutes parts, il arrive maintenant à les faire désirer, aimer et vouloir comme une utopie, en regard de la brutale servitude qui est montée comme une marée d’équinoxe dans le parc des objets ; car, finalement, c’est à l’esclave de réclamer ses chaînes et venir les chercher, sous une pluie de cadenas, ainsi qu’une bouée de sauvetage ; c’est la moitié du travail qui est fait… Mais sans aller jusqu’à ce fonctionner bien – dont on déplore la disparition supposée avec une sorte de niaiserie forcenée chez la plupart de ceux qui vivent dans les environs de l’Etat, le servent peu ou prou, en profitent d’une manière ou d’une autre, occupent et remplissent une fonction utile, décorative ou purement parasitaire, participent à sa gestion d’une façon ou d’une autre, ne fut-ce qu’en promenant, à tous les étages, un air perpétuellement sidéré après le blast virologique – ce gouvernement des choses, campé sur son tas de mensonges acceptés par presque tous, en fonctionnant comme il veut, avec qui le veut, avec le virus pour moteur apparent, réalise son concept et c’est déjà beaucoup : le conseil de défense, comme on passe de la fleur au fruit, comme on passe d’élections truquées à aucune élection du tout, selon les nouvelles modalités d’une gouvernance en cours de parution, en se passant du peuple à défaut d’en trouver un autre. Ce gouvernement fonctionne, avec un dynamisme évident puisqu’il connaît son ennemi réel qui lui, ne veut pas le reconnaître. Il ne promet plus rien que les coups qu’il donne – virus, poignardeurs, Etat d’urgence, coup d’Etat, suspension des lois, réformes, nuisances et catastrophes, nouveau livret ouvrier, etc. – ; et se moque bien du respect qu’on lui accorde ou pas. Il règne et c’est la seule obligation qu’il a, face à ceux qui craignent de ne plus être gouvernés. Il n’espère plus rien que l’accroissement du mal dont il est, à la fois, la cause et le principal symptôme, et l’arrêt, tout provisoire dit-il, de compensations qu’il ne veut plus satisfaire par simple souci d’efficacité technique – au royaume de la camelote, les pénuries deviennent sentimentales et le citoyen informé doit lui aussi fonctionner. Les maigres satisfactions qu’il croyait tirer de la société cybernétique sont remises à plus tard, ou placées sous un contrôle et une surveillance accrus qui en fait perdre les dernières qualités. Sous ce gouvernement qui fonctionne bien, car tout est marchandise, en passe de le devenir, ou supprimé quand la mutation est impossible : « chacun est tenu d’arborer ostensiblement les signes de son adhésion jusqu’à s’en faire une seconde peau, pour être toujours déchiffrable sous l’œil de l’autorité. ».
Jean-Paul Floure