« De même qu’aux individus qui s’enfonçant dans cet ordre, se détachent de tout et aspirent à l’être-pour-soi inviolable et à la sécurité de la personne, le gouvernement doit dans ce travail imposé donner à sentir leur maître, la mort. » HEGEL
Il y a un an, le 7 mars 2024, nous avons publié sous le titre : « Le carnaval de la mort », complété quelques jours plus tard par une capsule vidéo, un texte où nous mettions en évidence les derniers progrès de l’actuel gouvernement français vers sa phase terminale – il n’a pas changé malgré les diverses et ridicules péripéties qui ont agité son répugnant personnel de surface* – en matière de géopolitique financière. Nous remarquions que nous étions entrés dans « une époque où il est devenu presque évident, pour les plus endormis, qu’un gouvernement, dont la légitimité s’est restreinte à sa propre sphère – ils n’ont jamais tenu leurs mandats que d’eux-mêmes et de la marchandise – , puisse momentanément obtenir les utiles et divers effets de la guerre sans vraiment la faire, mais en la déclamant à tout moment comme étant son centre et son unique désir, de manière à satisfaire les nombreuses convoitises qui permettent l’indispensable et nécessaire existence de cette guerre ailleurs(1) tout en dissimulant celle qui est réellement menée ici et, le plus fréquemment, ne se maintient que par l’habitude et le goût que l’on a d’elle ; de la prolonger dans le dessein qu’elle ne cesse jamais ; soit, ou devienne, la seule force autour de laquelle les autres sont tenues de s’agréger afin de ne pas se défaire, d’en donner l’apparence, ne fût-ce qu’en massacrant un peu, par distraction et de temps à autre, leurs esclaves ; leur donner ainsi le loisir de préférer leur servitude à la liberté.
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C’est un facteur tout récent dans sa survenue que les bienfaits d’un gouvernement se concentrent uniquement dans sa disposition à distribuer ses cruautés par vagues croissantes et incessantes – une anesthésie – afin que plus personne n’ait le temps de les savourer lentement, d’établir des échelles entre eux, de telle sorte, et selon les intérêts qu’on leur porte, de les garder et de s’en goinfrer, plutôt que de les distinguer un par un, de s’assurer de ce qu’ils sont vraiment et les rendre fielleusement ou les vomir, comme autrefois.
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Il faut que les esclaves puissent vivre avec leurs maîtres sans même pouvoir les reconnaître et les désigner, et que ceux-ci, comme s’ils étaient d’une espèce différente, se tiennent resserrés dans leurs métiers et leurs occupations, sans qu’ils aient la fatigue d’exposer ou de justifier les véritables motifs de leurs conduites et de leurs actions.
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Autrement dit, il s’agit, pour cette tyrannie qui nous a fait les dépositaires de la raison qui l’anime et nous conjure de la défendre comme la nôtre, de consolider sans heurts ses récentes expropriations. Elles lui ont donné l’occasion de rebondir de désastres en désastres ; de se survivre à elle-même sauvée par ce gong et ses échos ; de multiplier ses incontestables moyens dans un assentiment général ; de renforcer sans fin ce qui a déjà été obtenu, plutôt vite, pendant le leurre pandémique, par des procédés essentiellement propagandistes et par des séries d’aliénations majoritairement consenties par le « troupeau-sol » hébété ; et donc de « simplifier (2) » à l’infini, comme on peut le voir chaque jour, l’extraordinaire rationalité qui règle sa marche et l’affranchit de toute limite, jusque dans ses moindres détails, sans qu’aucune opposition ne se manifeste avec conséquence et se libère – ou le veuille un tant soit peu – elle aussi, des désolantes conventions et tabous qui l’encombrent, l’empêchent et l’annulent depuis des temps immémoriaux ; une opposition qui n’accepte de se détacher des quelques servitudes et privations particulières derrière lesquelles elle traîne ses contestations et se défait, que pour se diriger vers une servitude plus grande.
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Il est vrai que les derniers temps de la mise en place d’une tyrannie sont toujours surprenants pour ceux qui pensaient que cet accomplissement ne viendrait pas. Ils ont accepté de perdre en chemin l’évidence de ce terme, comme si la réalité de cette tyrannie s’estompait, et fuyait sa véritable définition, pour eux, au fur et à mesure qu’elle s’imposait par un ensemble de moyens réputés non-conventionnels et si déloyaux, prétendent-ils, que ceux qui se croient bien plus que des esclaves ne peuvent ni ne veulent en imaginer la survenue dans la pratique gouvernementale et encore moins, désormais, les fructueux usages, très ordinaires, de ces outils d’une relative nouveauté (3). Ils sont nécessaires pour accompagner et redéfinir les « droits » de l’Elémentariat. Droits qui n’ont jamais cessé d’être virtuellement améliorés jusqu’à leur disparition effective, pour autant que l’on ait pu, auparavant, attester de leur existence.
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La phase terminale de cette tyrannie a le malheur d’expliquer ses phases antérieures : de montrer, par exemple, sans équivoque, le vaste cercle des complicités qui l’ont désirée et rendue possible, et conséquemment de tuer dans l’œuf les misérables et inconséquents bavardages sur « les dérives de la démocratie » et autres foutaises du même tonneau sur lesquelles s’excitent avec leurs coloriages, les incomparables eunuques de la décennie, ces intelligences en réseaux qui nous surprendront toujours par l’exemplarité de leur soumission et leurs délations subséquentes : celle-là expliquant celles-ci (…)
7 mars 2024
1 – Sans négliger par ailleurs la volonté de certains représentants oligarchiques d’ouvrir un second front dans le but de soulager la décomposition ukrainienne par l’imposition d’une nouvelle contre-offensive arrière : ce qui a motivé les raides et récentes protestations de plusieurs pays sur le choix du ou des territoires sur lesquels ces braves gens se proposent – ou se proposeraient – de mener leurs actions de représailles en organisant un inédit Sedan, sur la base d’une nouvelle dépêche d’Ems par eux-mêmes écrite depuis Gleiwitz ; sans nous dire quelles sont les proportions de populations injectées qu’ils seraient – ou sont – prêts à sacrifier pour assurer les bénéfices de leurs commanditaires, pour ne pas vaincre une fois de plus ; sans même que les innombrables commentateurs, même les plus insolents, de cette énième déception sur une défaite en cours, qui gonfle joyeusement les cours de la bourse, envisagent que ce deuxième front, déjà ouvert, est désormais perdu – tant les talents qui s’y sont exercés étaient incomparables par leurs compétences.
2- C’est désormais l’un des maîtres-mots de la société cybernétique. On a pu remarquer, depuis quelques temps, son usage excessif dans de nombreux domaines déjà frappés et reconstruits par des chapelets d’algorithmes ; cela jusqu’en géopolitique et sans négliger la guerre qui, elle aussi, a été, grâce à diverses simulations, « simplifiée » à l’excès, jusqu’à être menée méthodiquement et avec économie, maffieusement, sans munitions, sans stratèges ni tacticiens, avec, peut-être, des « troupeaux-sol » sans même que l’on définisse les qualités acquises par celui-ci avant les réductions d’effectifs qui suivront le déminage. Participer à la défaite en « simplifiant » sa réalité… Dans la société cybernétique « on peut, sans rien dire à personne, doter un mot d’un sens nouveau qui ne sera connu que de quelques-uns ; on peut éviter l’emploi d’un mot auquel est attachée une mauvaise réputation, et le remplacer par une périphrase aseptisée : « police » est donc devenu « service de proximité sociale » qui est aussi la nouvelle définition de « syndicat », les maîtres ayant de la sorte, enregistré la fusion des différentes branches du contrôle, dont l’une s’est éloignée à l’infini dans la représentation, et à rejoint l’autre ; on peut aussi niveler les sens, affadir la force évocatrice de certains mots, les banaliser volontairement par un usage à tout propos : ainsi de « passion », « solidarité », « tolérance », « catastrophe » etc. D’autres mots encore sont enrichis par des adjectifs qui naguère étaient appliqués à d’autres domaines : les pluies sont donc acides, les neiges chimiques, les vents nucléaires, la terre stérilisée, le vivant brevetable, le citoyen informé ; ce sont autant de nuances nouvelles que ces réalités ont gagné et qui nous prouvent que le champ de l’expérience humaine reste ouvert. Par une métamorphose supplémentaire et qui ne doit en rien surprendre, un génocide est chimico-nucléaire, un putsch sismique ou hydrologique, une guerre météorologique, un état d’urgence électrique… » Brèves remarques sur des catastrophes récemment survenues & les prochaines, mars 1989. On a même pu remarquer que c’est jusqu’aux femmes que le processus de « simplification » s’est étendu, si complétement que le concept en a été durablement assoupli et si bien que n’importe quel homme peut prétendre, désormais, mieux l’être.
3- On s’étonne encore, comme d’une chose inédite, que l’Etat israélien, le cinquante et unième, cette effrayante abolition des juifs par leur propre gouvernement, utilise l’arme de la famine pour parfaire l’ethnocide auquel se livre cet Etat, dans sa projection normalisatrice et sa mimésis « protestante », sur les Palestiniens, leur double expiatoire, dans le camp de concentration de Gaza, quand la presque totalité des Etats occidentaux l’ont utilisé : 1- historiquement sur leurs propres populations (en Irlande, qui est le plus connu des exemples ), 2- partout où ils ont étendu leurs possessions et leur domination, 3- le succès de cette arme ayant été universellement reconnu, ils l’ont scientifiquement améliorée par l’invention de « l’abondance empoisonnée » et ses famines segmentées.
* Note du 7 mars 2025 : une dictature élue. Nous reprenons ici l’utile et subtile distinction de Donald Trump à propos du maffieux Volodymyr Zelensky en le catégoriant comme « un dictateur qui n’a même pas été élu ».