« Il fallait s’occuper des appeaux, leur crever les yeux. »
François Mauriac
On se souvient – ou pas – de l’anti-complotiste Freddy GOMEZ (1), anarchiste allégé par un enchaînement de mutations herméneutiques qui ont métamorphosé, chez lui, le contenu de l’anarchie en son exact contraire : « l’anarchisme gouvernemental ».
La « société cybernétique » devant produire, pour sa défense, ce modèle de subversif en quantité industrielle depuis une cinquantaine d’années, tout en étant dans l’obligation d’en conserver, à des fins de propagande efficace, l’ancien nom, nous a mis dans l’obligation d’en trouver un autre plus en adéquation avec les nouveaux usages de la subversion d’apparat ; qu’il nous arrive d’apprécier pour ses tromperies.
Plusieurs noms ont déjà été proposés en remplacement, mais à chaque fois ceux-ci ont été vivement repoussés par les intéressés eux-mêmes, toujours avec indignation (2). Leurs protestations, plutôt fastidieuses à énumérer, sont innombrables et quelquefois presque vraisemblables car, cédant aux raisonnements sophistiques les mieux construits et les plus en vogue, elles finissent par convaincre ceux qui sont en position de les croire. Mais la protestation centrale de ces « dissidents recomposés » reste dans le fait que chacune des appellations préconisées jusqu’à ce jour, souvent ingénieuses, n’éclaire en fait qu’une de leurs activités, à défaut de les éclairer toutes. Il est vrai que ces activités ne sont pas toujours reconnues pour ce qu’elles valent et, à leur avis, sont injustement méprisées.
Avec ce modeste essai nous nous proposons donc de mettre à jour, en nous aidant du cas Freddy Gomez – mais un autre choix aurait tout aussi bien fait l’affaire – plusieurs pans de l’activité de « l’anarchisme gouvernemental », de sa « praxis » et de son emploi, sur la base de quelques textes issus de sa belle collection et de son savoir-faire, récemment publiés sur son site « A contretemps » (3).
Nous avons décrit sur birnam.fr, à plusieurs reprises, l’espèce proliférante et opportuniste de « l’anarchisme gouvernemental » depuis qu’il vit, sur un grand nombre d’aspects, en symbiose avec « la société cybernétique » (4). Il n’en conteste, pour autant qu’il le fasse ou que l’illusion en perdure parmi les abonnés de cette fantasmagorie oppositionnelle, que d’anciens vestiges moraux et matériels sur lesquels cette société a encore le malheur de s’appuyer dans sa progression. Ils empêchent, par certains côtés, la fongibilité généralisée de l’être humain que nécessite le libre fonctionnement de la méga-machine et la fabrication concomitante de l’élémentariat, l’une des productions centrales de « la société cybernétique ». C’est-à-dire là où cette société est en mesure d’imposer, à la suite du processus de l’accumulation primitive tertiaire – plus communément dénommée « déconstruction » dans la belle langue du quatrième empire – la production réglée d’une humanité qui a la capacité non seulement d’accepter sa réification, sans trop rechigner à son labeur, mais aussi d’être contrainte de l’aimer comme son seul destin ; de s’adapter, tel son appendice biologique, au devenir de la marchandise – l’âme du monde cybernétique et sa spiritualité matérielle – ainsi qu’à l’ensemble des terreurs et destructions qu’engendre l’usine universelle.
Cette avant-garde – l’anarchisme gouvernemental – qui s’est constituée sur la démission généralisée et « la décadence de l’explication », la dégénérescence du refus et le retournement « contestationnaire » des « citoyens officieux » du Capital, a pour mission de préserver, de produire et de gérer la fausse conscience des esclaves sur un grand nombre de sujets brûlants. Sujets que cette avant-garde fonctionnelle – aux besoins que l’oligarchie a d’elle et qui définissent les petits métiers de cette nouvelle police – emmène en jouant ses airs de pipeaux et oblitère dans les coupes rases et déserts spécifiques où s’ébat ce groupe social : la trop fameuse seconde nature « ce monde hors du monde, qui par capillarité, a tout envahi (…) où les espaces et les hommes ne sont tenus qu’à se convertir en un agrégat d’atomes s’imbriquant comme dans un mécanisme toujours calculable, sous l’impulsion de leurs gardiens et de la providence marchande… ». Accrochée à de buissonnantes illusions, cette avant-garde, ou plutôt cette fleur de cimetière que le capital dépose sur chacune de ses conquêtes, flanque l’ordre « le moins pire » ainsi qu’il se définit lui-même. Celui qui se renouvelle paisiblement, dans un jeu pervers avec le désordre, depuis plus d’un demi-siècle, avec la complicité générale de ses élites intellectuelles, petites et grandes, officielles ou d’une marginalité apprivoisée : là où « le je perverse », pour prendre un exemple, proclamation stakhanoviste de « l’exploitation passionnelle » de l’égérie des caqueteurs de révolution Annie Lebrun – Annie Lundimaton et Téléramort ou le style emphatique Breton-nouille –, advient pour raffermir la « machine à visibilité » par des transgressions prudentes et millimétriques, comme une prise de Beaubourg, depuis l’intérieur, par la gendarmerie artistique. Ces élites n’y perçoivent dans cet ordre, bon an, mal an, que le pis-aller de leurs misérables espérances et passions dans la lutte sourde et envieuse qui les oppose à leurs véritables commanditaires et mandataires sur la base d’une défaite du prolétariat à laquelle ces élites ont puissamment contribué, ne fût-ce que par les agressions planifiées du complexe étatico-financier dont elles sont les exécutrices dociles quand elles n’en sont pas les maître-d’œuvres ou les agents d’exposition et d’influence idéologique.
« Gouvernement le moins pire » : c’est ainsi qu’est nommé leur machin de commandement participatif, couvert de sang et rigoureux multiplicateur de toutes les misères, par plaisanterie bien comprise, par ces « aficionados » de la représentation autonomisée. Ils se sont assemblés désormais en « grappes métapolitiques » d’une défense en profondeur d’une si incontestable géométrie répressive que celles-ci retombent, sans élégance et sans se dissimuler, du côté du manche, aux « heures les plus sombres » du « Jacques a dit » spectaculaire : la récente dissolution du parlement les ayant rameutés et rassemblés dans leur fonction de trembleurs publics et défenseurs de ce qui ne se donne même plus la peine d’exister : la démocratie représentative. C’est un jeu qui est devenu plus qu’une coutume dans une Cinquième République qui a été élaborée dès sa naissance, grâce aux élections – c’est l’une des caractéristiques jamais nommée, alors qu’elle est plus qu’évidente, de ce coup d’Etat au milieu de la boue et avec la boue – en parfaite machine à éliminer le Peuple et à en empêcher la formation ; à le décomposer dans d’infinies luttes horizontales ; à bloquer jusqu’à l’émergence d’un quelconque refus, même le plus minime, concernant un aspect quelconque de « la société cybernétique ». C’est ce que les précédentes républiques du Capital n’avaient atteint qu’imparfaitement par les massacres organisés qu’elles avaient dû et su commettre régulièrement, un peu partout dès leur proclamation, pour imposer leur ordre et légitimer leur existence.
L’anti-complotiste Gomez, qui aimerait tant que l’on accorde un crédit à sa livrée d’anarchiste – il n’y manque pas un seul bouton et ses archives lui sont comme un petit capital de notoriété et un certificat d’authenticité – n’a pas dérogé à l’appel du trucage séculaire de la démocratie représentative qui ne peut vivre, pour durer jusqu’au prochain épisode, que sous la menace sans cesse relancée d’un ennemi devenu mythologique (lointaine copie du fascisme), devant lequel cette légendaire démocratie n’a pas manqué de se coucher quand il était réel. Et pour peu que l’on y regarde de plus près, un ennemi, très édulcoré et transformé par la satisfaction de ses appétits voraces, prêt à participer à l’ultime festin de la démocratie spectaculaire après avoir consenti à la dernière mise à niveau managériale de sa structure organisationnelle. Parti qui a accepté, aujourd’hui, avec bonhomie et après quelques retouches, d’être le garant de l’oligarchie ; et l’une de ses « vérités » les mieux accommodées par les mensonges d’Etat auxquels ce parti participe avec une bonne volonté confondante. Ses corruptions l’ont mis, par cette méthode habituelle pour renforcer les fidélités nécessaires, à l’aune de ses supposés concurrents du parti médiatique* ; et à la remorque obligée de plusieurs clans de l’oligarchie du nœud étatico-financier. Mais malgré cela, qui est d’une affligeante banalité, Freddy Gomez a encore moins résisté dans sa participation paniquée à l’un des psychodrames politiques ordinaires par lesquels l’oligarchie affirme sa présence par des coups de théâtre attendus : une série d’élections fantastiques, volontairement précipitées. Elles n’ont pour l’oligarchie aucune sorte d’importance et leurs résultats lui sont indifférents : passez muscade. Cette oligarchie dégoupillée impose, en suivant un strict cahier des charges dans l’abolition de tout ce qui faisait les charmes du « welfare state », la forme brute de sa présence politique : un gouvernement spectral débarrassé d’antiques préventions et fioritures légales, véritable Protée menaçant de changer de forme au moindre danger, tout en restant identique à lui-même dans une forme aggravée. Reconfiguration du récent « Conseil de défense » – son centre nerveux – en parfaite adéquation avec les considérants du coup d’Etat du 23 mars 2020 et les élections truquées de 2017, et celles de 2022-2024, que l’oligarchie a pilotées sans grandes difficultés et dans l’assentiment général de ses différentes factions. Ce qui s’est réduit à un ensemble de formules managériales et comptables médiatiquement démontrées et soutenues, administrativement appliquées, d’une incomparable rigueur technique que chaque faction se dit en mesure d’adopter à son tour et de mener à bien, moyennant les habituels aménagements clientélistes nécessaires, si on lui laisse le poste de pilotage. Jeu de massacre, où n’est supprimé, encore et encore, que ce qui accepte, depuis longtemps, de ne plus avoir de réalité ou se plie à la convention maffieuse qui exige de chaque participant de cette Entente qu’il occupe à tour de rôle, et pour un temps relativement bref, la place du mort dans « le gouvernement absolu des amis » sur la base de mises en accusation désopilantes et de listes de proscriptions parfaitement fantaisistes. Elles ne passionnent que les ahuris du gauchisme culturel prêts à se recomposer en un illusoire front antifasciste – la peur étant leur seule grande passion –, sage comme une image, et ne tirant que sur des cibles en carton pour le délassement de ses propriétaires. Entente qui s’étale au grand jour et règle minutieusement jusqu’aux chantages entre clans ; où l’ombre résiduelle de ce qui est mort, et tient à le rester pour respecter le contrat, n’est convoquée, pour de brèves simulations, que pour faire croire que tout est resté en place dans la coquille ; où le blanc déclare ne pas être entré en contact avec le jaune ; ne s’en souvient plus ; interdit qu’on l’évoque. Techniques spectaculaires, qui vont du terrorisme à la catastrophe dirigée, de l’Etat d’urgence au protocole d’élections précipitées, en passant par les extorsions fiscales et les ruissèlements prolongés d’une crise fictive que l’oligarchie entretient méticuleusement et utilise comme un hachoir. Gouvernement qui par ces méthodes assoit ses choix et légitime ses crimes en ayant sous la main un personnel largement diversifié, prêt à jurer en sa faveur, celui qui prétend que le pire pourrait advenir si on ne libère pas immédiatement ses maîtres des derniers liens qui les entravent.
L’annulation permanente de toute véritable démocratie étant l’un des enjeux de cette république oligarchique depuis sa naissance, son comble est la métamorphose propagandiste de cette annulation méthodique en victoire de cette démocratie supposée si fragile, presque à l’agonie, face à la caricature de fouet qu’elle nous montre et agite en roulant de gros yeux. Ersatz qu’elle a mis en place et qu’elle contrôle de manière de moins en moins occulte. C’est une part d’elle-même embarquée dans une farce sans saveur où les obstacles sont spécialement construits pour que les nains qui les ont conçus puissent les franchir sans difficulté. Ont été placés dans ce succédané de fascisme – qui a déposé jusqu’à l’image de ses armes – entré en harmonie avec les fins du Parti Intérieur et comme l’une de ses émanations, certains des membres de l’oligarchie, à seule fin d’y surveiller l’usage de ses investissements sur tous les numéros de cette grossière roulette qu’est devenue la démocratie représentative ; et le fonctionnement correct de l’appareil de récupération émotionnelle qui, par obligation, le borde en renfort : en l’épurant d’année en année de tout élément désaccordé qui en altère le commandement ou en dévoile, par étourderie bien étudiée ou par simple calcul, la marche tactique et l’emploi sans surprise. Il s’agissait de veiller discrètement sur ses flottants dirigeants, de raccourcir leur idéologie et de la mettre en conformité avec l’évolution générale du consortium oligarchique. Certains de ses dirigeants – tels Philippot et alii –, frappés par « le mal moral », auraient pu avoir la dérisoire audace ou la comique ambition, de vouloir atteindre un but particulier, conformément à une partie de leur programme, lequel est toujours assez mal compris d’un public qui ne désire rien tant que d’être égaré de façon originale, dans le but d’être déçu. D’autres de vouloir assumer la totalité d’un pouvoir à la rationalité si énigmatique qu’on pourrait le livrer sans remords et sans grands risques à un asile d’aliénés pour la reconstruire et en édicter les lois formelles qui la dirigent avec efficacité. La conduite secrète de cet appareil, grâce à la forme policière modernisée qu’il a adoptée à l’instar de chacune des factions du parti médiatique, a donc été secrètement tournée vers des buts apparemment plus convenables et conséquemment plus profitables à l’élite au pouvoir et à son groupe subalterne.
On a pu dire, ironiquement, du processus d’élimination du peuple, tant et si bien rythmé par des coups de force successifs et par un ensemble d’évènements artificiels – le peuple est invité à répéter sans cesse le serment de sa disparition pour rassurer ses maîtres en acceptant en échange les représentants qui lui ont été choisis pour l’aplatir –, qu’il semble que « le moindre mal » est devenu coextensif au « pire », sinon son synonyme dans la novlangue du moment. Et que la constitution d’un despotisme absolu, et l’aliénation totale de l’homme, sont les seuls buts vraiment proposés aux foules par la démocratie démissionnaire, si elle-même n’en était pas déjà l’achèvement suréquipé. Ce que les contempteurs brevetés de la domination actuelle feignent d’ignorer par peur de perdre leurs misérables emplois et par souci de ne pas trop désespérer leurs maîtres en manifestant le moindre refus déterminé de ce processus de réalisation d’un pouvoir sans contrôle. C’est vers cette clôture du démo-spectacle que tous les chemins convergent dans la mesure où l’on accepte d’être enfermé dans ses fausses alternatives, quel que soit le parti ou le clan choisi. Il n’en existe pas un seul qui n’ait été avalé par le Parti Intérieur du gouvernement mondial de la marchandise, ses succursales locales et son avant-garde internationale. Ils se sont tous soumis sans grandes difficultés à un programme unique : la disparition de la liberté que projette la fin catastrophique de l’Histoire, sous quelque atour que les différents escamoteurs du spectacle nous l’habillent.
Le flexueux Freddy Gomez, qui nous parle désormais de « coup d’Etat institutionnel », à la moindre chiquenaude politique comme un Bartimée, alors qu’il n’en voyait curieusement aucun au mois de mars 2020, se plaint, par ailleurs, amèrement, de la terrible absence que la disparition programmée de toute liberté et de toute démocratie produit au centre du « dispositif » économico-politique en faveur duquel ce « boomer » hypnotisé vient de ramper pour faire « barrage » avec son petit corps ; et sans tenir compte d’aucune autre considération que celle d’échapper à la marionnette d’un fascisme préfabriqué, véritable protection du système élaboré par ceux qui en possèdent le gouvernement effectif depuis un demi-siècle. Mais il préfère la facétie que ses psycho-managers lui ont montré, sans conviction, de l’autre côté des barreaux de la cage morale où cet anarchiste de complaisance a pris le maquis avec ses confortables chimères en oubliant ce qu’il prétendait vouloir hier encore ; incapable qu’il est de décrypter la langue dans laquelle est écrit l’insolite faire-part qu’il reçoit depuis plusieurs années.
Car c’est un événement paradoxal que cette absence ou cette annulation. Elle pourrait priver cet anarchiste régulé de son « job » de réfractaire mesuré, si elle venait à être prolongée et laissait son groupe social seul face à une oligarchie que celui-ci est pourtant dans l’obligation de servir et de combattre de bricole, par une pseudo-contradiction bien connue dans les sociétés de classes et qui a ses aménagements et ses ménagements à tous leurs étages **. Fausse contradiction qui structure tragiquement jusqu’au moindre débat sur la nature réelle de ces lassantes corridas populaires. Car c’est toujours la masse bestialisée par ses maîtres et leurs inquisiteurs qui est, en fin de compte, sacrifiée après une série de passes codées d’une surprenante et cocasse monotonie dans leur exécution et interprétation obligée. La dissimulation symbolique doit toujours l’emporter dans le rébus spectaculaire afin de le rendre toujours plus obscur. Rien ne pouvant être montré, ou dit sans ambages, sans entraîner le soupçon que l’on est déjà tombé dans le territoire tabou médiatiquement défini par tous les experts en quelque chose. Ceux qui ne tiennent leurs mandats que de leur mère : la méga-machine.
Freddy-les-hypothèses s’est fait, dans sa zone de déploiement où il tourne inlassablement, le chantre éploré de « cette machine à supprimer les élections pendant les élections » (5) ; ce qui n’est plus un paradoxe, sauf apparemment pour les sociaux-démocrates qui y trouvaient autrefois la consécration et la récompense légitime de l’ensemble de leurs corruptions et de leurs tromperies où les représentés sont fatalement écrasés au profit des représentants, quand ils ne sont pas trahis sans vergogne. Leurs successeurs : « les anarchistes gouvernementaux », les différents techniciens de la nouvelle police, de leur parti subtilement informel aux structures de contrôle en rhizomes, plus méfiants et instruits quant au discrédit que peut apporter une participation ouverte et directe à cette vaste bouffonnerie, s’en tiennent, dans leurs agitations, à une distance respectueuse. Mais ils ne cessent pas, pour autant, de jouer, de loin, les agents électoraux et les rabatteurs dissimulés de la grande broyeuse du Capital et de ses « élections pour rire » (6). Ils paraissent ne pas avoir découvert l’usage que la classe dominante a d’eux, et le secret de leur survie. Plus on le leur dit, moins ils le comprennent, apparemment. Il est vrai qu’en cela – leur incompréhension est surjouée – ils manifestent un fort degré de loyauté envers un Etat qui a su, par principe d’économie et par prévision, vider l’ensemble de ses casernes, après avoir détruit méthodiquement son système éducatif, pour remplir leurs rigides phalanstères insectolâtres de toutes les têtes que cet Etat avait déjà domestiquées en fusionnant avec la marchandise ; et cela sans qu’on les force de trop, ces têtes furieusement prosternées, à intégrer les stages de dressage politique de cette caste intellectuelle où l’arrivisme forcené ne le cède qu’à la crapulerie protégée et le parasitisme revendiqué à la dissimulation intéressée. C’est ce que cette nouvelle police, qui prétend voir une fleur sous chacune de ses abominations, accomplit en s’insinuant légalement dans toutes les sphères de la société. Elles lui ont été volontairement livrées dans le seul but de donner un supplément de perfection aux saccages en cours. Elles y apportent leur vulgate irréfutable fondée sur la fragmentation hypercritique, les procédures les plus déroutantes de la censure utilisée par des autorités ubuesques et appuyées sur les disciplines collectives les plus contraignantes – la synchronisation psychique étant un exemple particulièrement réussi. Elles modifient, par exemple, par les habituels exercices spirituels qu’entraîne la désintégration cognitive, les traces mnésiques du « travail augmenté ». Car il doit être présenté à la masse, comme une authentique libération jusque dans les mutilations « transgore » qu’il entraîne pour dresser la population à la misère de « l’existence élémentaire » qu’induit la « société cybernétique » (cf. la répression linguistique comme phase préalable aux protocoles engrammatiques de la « déconstruction » ou ce qui est nommé assez inexactement « transhumanisme », dont l’alphabet barbare et ses revendications désarrimées n’est que l’une des variations automates, sans cesse corrigée à la hausse par les clercs tarifés de la normo-marginalité, d’un mouvement général nous aspirant dans le maelström de la vie suspendue et amoindrie, chimiquement assistée – « L’île du docteur Moreau » normalisée par la distribution de l’ocytocine synthétique et autres marchandises « récréatives » utilisées sur le « Titanic » progressiste. Ce mouvement peut se résumer ainsi : à nouvelle formation sociale – la collectivisation cybernétique – nouvelles destructions de l’homme qui nous emmènent à une vitesse stratosphérique du « vous n’aurez rien et vous serez heureux » de ceux qui ont compris, à leur manière, les médiocrités de « l’avoir » démo-spectaculaire, à l’aveu suivant « vous n’êtes rien et nous sommes heureux » de la sphère numérique et des joies sociétales).
Là où les anciens illusionnistes du spectacle n’avaient plus la pleine capacité de nous garantir, avec leurs sophismes, que « tout » était au mieux dans le noir château de monsieur le baron, les nouveaux qui surgissent, comme des champignons après une pluie d’automne, ont au moins la délicatesse de nous persuader que ce « tout », dénué de toute intentionnalité, est aussi nécessaire qu’accidentel. Ils nous assurent également que cet imparable « calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur » sera bientôt « dépassé » et ses excès corrigés par ceux qu’eux-mêmes proposent en échange (liste disponible dans la plupart des transparentes officines du Parti médiatique) afin que plus rien ne distingue l’homme d’une brute sinon l’équipement d’esclave agenouillé qu’il est tenu de porter en permanence : le ford incorporé de la logique relationnelle et de l’existence valorisée. Les gestionnaires de l’aliénation appellent cette expérience de la désintégration nihiliste de la vie : « servitude volontaire » en se basant sur leurs propres vies d’esclaves repus et chez qui cette servitude voulue est un facteur objectif obtenu mécaniquement par les fonctions qu’ils ont recherchées et acceptées ; qu’ils occupent avec une bonne conscience moralisatrice au sein du « blob » culturel. Ils le couvrent de leurs animations cadencées, machiniques, nommées « protestataires » puisque des lambeaux du vieux monde industriel-pire persistent et empêchent le moloch cybernétique-moinspire d’atteindre sa vitesse de croisière. Car ce bel ensemble, ce « tout » innovant aux frontières en expansion, nous mène providentiellement par ses chemins escarpés vers les bonheurs qui pavent le paradis – antifasciste et antitotalitaire comme il se doit – dont ces « anarchistes » bonifiés sont les aboyeurs et les laquais, quand ils n’ont pas l’oreille collée sur les braguettes de leurs camarades afin de veiller sur la bonne marche de leur nouvel ordre sexuel « derchiste » et « anti-patriarcal ».
Le flasque et grumeleux Gomez, tout insipide qu’il paraisse dans ses colères molles, dans ses admirations calculées, dans son autobiographie menée avec des enragements de limace pour nous dire sa vie d’Attila, dans sa tremblante du mouton au service de l’Idée, maintenant que son égrégore s’effiloche par tous les bouts, nous raconte fièrement, par petits morceaux et minuscules vignettes, les allégeances qu’il avait. C’est ainsi, qu’il sacrifia autrefois sur son promontoire, sous couvert d’efficacité rituelle, une « mobylette » entière à Robert Badinter afin de se pousser dans une carrière vouée à la déception sous toutes ses formes arraisonnées. C’était sous la défroque ajustée d’une sédition tenue discrètement par en haut, et qui, grâce à une série d’actions subtilement sélectionnées et manipulées, par l’agencement de nombreux simulacres construits par « Le Département des Emotions », nous menait, de contestations en contestations, grâce à une révolte au contenu sagement aboli, sur les rivages du « socialisme à la française » et ses durables fourberies (cf. le dernier épisode : Mélenchon et consorts, et leurs impostures accélérées : on abolit la dernière réforme pour légitimer les précédentes dans un système où l’on accepte d’être privé d’un bras pourvu qu’on l’on ne vous prenne pas les deux). Désormais Freddy l’hétérodon, tombé de tas en tas, étaye par le bas jusqu’aux niaiseries frétillantes des crétins gauchistes de « Nantes révoltée » (7), quand il ne regonfle pas les pneus des ambulances passant à portée de sa guérite.
Le symbiote Gomez s’était déjà fait remarquer par ses astucieuses et plates ritournelles du temps de son hypocrite collaboration sanitaire, et par sa défense de « la réalité préférentielle » du temps du covid. Nous lui avions adressé un courrier (8) où nous lui disions notre dégoût devant ses déshonorantes déclamations covidesques par lesquelles cet automate idéologique, mystérieusement innervé, s’était mis en service en grattant son vieux tambour. Il lui fallait refroidir les enthousiasmes de sa brigade de lampions en l’aspergeant de ses eaux usées, sous couvert d’une fausse critique grossièrement appuyée sur les plus sottes croyances auxquelles ce con avait adhéré en courant se réfugier sous l’avalanche médiatique. Cet historien mouillé, garanti par sa réputation, qui avait tout oublié et ne remarquait rien par une habitude réflexe, avait la joie de nous annoncer par là-même, en nous montrant les fers de son accouchement, son avortement cognitif. Elaboré sous le régime d’un doute moulé à la louche, il nous racontait, en saignant des gencives, que cela lui était arrivé tel un soudain furoncle poussé sur sa tonsure de farouche libertaire poreux – et collectionneur avisé des choses de l’Espagne d’avant, qui en fait, pour ses lecteurs abusés par ses infinies godilles un personnage « indécidable ». Après avoir avalé goulûment, comme les autres et jusqu’à la sidération, les couleuvres gouvernementales sur la fausse pandémie, ce « culbuto » nous avait crachoté la poudre « anti-conspi » dont il colore, avec une obstination de mulet, son museau : la ligne officielle et descendante de la nouvelle police qu’il n’a jamais cessé de suivre depuis qu’il nous vidange les avis les plus saugrenus ou les plus terribles – c’est selon – sur les écrabouillements en cours. Ce que nous devons penser si nous voulons ne plus penser. Il suffit de considérer les proses d’élagage et d’élevage que ce camarade modifié a récemment mis au monde sur son site. Elles furent claironnées, depuis son déversoir anti-fasciste en phase avec le célèbre « barrage », au mois de juin 2024, lors des dernières et plus que misérables évolutions du parti médiatique tel qu’il fut décrit, à de nombreuses reprises, dans ses innombrables changements. Ils le rendent, à chaque fois, plus semblable à lui-même qu’il ne l’était la fois précédente. Ce leurre politique auquel cet anarchiste langé semble si attaché qu’il en est venu à oublier les prudences élémentaires auxquelles tout professionnel de l’hypothèse – de l’erreur volontaire – doit se tenir dans son youpala d’acrobate informationniste pour ne point perdre ses vieux certificats d’innocence ; et ne pas péricliter dans un cirque qui se dissout perpétuellement pour renaître tous les jours : un gouvernement du « moindre mal » qui inspire, pour sa défense, toutes les formes de commentaires trompeurs et de participation apeurée, « le gouvernement le moins pire » pour lequel Freddy Gomez a servi, et sert encore, d’appeau.
Jean-Paul Floure
Notes :
1- « Une visite au bois dormant » 14 janvier 2022, birnam.fr.
2- Le terme « enculisme » proposé, il y a presque un quart de siècle par Jean-Pierre Voyer, ne décrivant malheureusement qu’une tendance de « l’anarchisme gouvernemental » : son laboratoire et ses multiples prototypes – la vie expérimentale.
3- Plus particulièrement les textes politiques rédigés par cet anti-complotiste énervé – « dont les tendons ont été coupés » – depuis juin 2024 et publiés sur son site « A contretemps ».
4- Cet « anarchisme gouvernemental » qui succède au stalinisme – il en a gardé les principales caractéristiques – est l’une des grandes avancées policières du panoptique cybernétique. Car celui-ci doit assurer sa reproduction matérielle ; garder sa cohésion idéologique face à d’éventuelles agressions ; orienter et scinder les refus qu’il est amené à rencontrer de temps à autre ; ne pas laisser ces refus se dissiper vainement dans d’improductifs culs-de-sac ; surveiller et contrôler ses réductions sociales : les fourmillantes identités du sociétal et leurs guerres picrocholines ; supprimer ce qui faisait office de négation, ou n’en n’était que l’imitation fatiguée et le résidu, en sélectionnant lui-même ses propres agents de subversion et en les dotant de programmes de substitution du type « cercle de qualité » – rien ne devant nuire au fonctionnement de la méga-machine qui doit être en permanence améliorée et qui n’attend rien d’autre des contestations qu’elle est amenée à susciter, grâce ce personnel spécialement équipé, que de légères corrections de sa trajectoire. Enfin « l’anarchisme gouvernemental » doit maintenir la sécurité de la division fondamentale de cette société – entre maîtres et esclaves comme on disait autrefois et jadis, naguère, et peut-être hier encore. Division jamais suffisamment améliorée et renforcée par les nouveaux systèmes d’exploitation des hommes qu’implique l’utopie-capital dans ses « attaques en tornades ». On doit remarquer encore la structure organisationnelle en réseaux d’obligations mutuelles d’une grande complexité de cet « anarchisme gouvernemental » organisé en rayons et cellules, certaines disposant d’une si large autonomie, sur le modèle « oiseau libre » des services secrets anglais, qu’elles en viennent à fixer elles-mêmes leurs propres objectifs, en toute indépendance et quelquefois contre le centre qui les a missionnés, pour garantir la permanence de la défense en profondeur d’une « société cybernétique » menaçant de s’affaisser en seigneuries concurrentes afin de prolonger la survie de son empire.
5- « Petite note sur un ballon d’essai », juin 2023, birnam.fr
6- Pour avoir une légère idée de ce phénomène, il n’est que d’écouter les propos en langue de caoutchouc d’un dresseur de puces gauchistes quand il nous déballe son gros sac de nœuds : Michel Feher sur Lundimaton, Entretien avec un chien de plage arrière, numéro 452
7- (…) Il s’agit des souvenirs, si épurés qu’ils en deviennent diaphanes, et faux témoignages instructifs, d’une machine automate de dernière génération à la chronologie singulièrement détraquée et aux archives manipulées : « Nantes, ville révoltée », Editions Divergences, 2024. Le plus intéressant réside dans ce que ces gauchistes ont effacé en suivant d’obscures nécessités policières – ce qui ne doit pas être montré à une clientèle contrôlée et qui pourrait nourrir l’ambition de ne plus l’être. On ne devrait fabriquer de tels livres, résumés épuratoires mis à la dimension du mensonge bureaucratique passé et le légitimant par une laborieuse reconstruction, qu’après s’être assuré de la disparition de tous les témoins, de la modification précautionneuse de l’ensemble des archives, ou de leur destruction journalistique. Ils ont suivi une ligne de falsifications – le mentir-vrai de l’ordure stalinienne –, exposée selon un principe narratif digne d’un spirite et des tables tournantes, mais il est vrai que ces ignorants sont aussi d’authentiques imbéciles. (…) ORWELL A NANTES ou la morte ventriloque
8- Voir note 1
ANNEXES :
* « Le parti médiatique qui est un parti transversal est né, en partie, de la décomposition presque totale des anciens partis politiques, maintenus pour quelque temps encore en survie artificielle et comme un maquis où le parti médiatique se dissimule et camoufle ses employés. Le but des partis politiques était de faire fonctionner et d’incarner le mythe de la démocratie représentative en créant l’illusion qu’il existait des instances de régulation des conflits entre les différents groupes ou classes composant la société. En réalité nous avions des représentations faussement conflictuelles des intérêts divergents des factions admises dans la composition de la coupole bourgeoise de domination, chacune prétendant parler, en accumulant mensonge sur mensonge, la langue du peuple. La fonction du parti médiatique est tout autre. Il règne sur une société pacifiée ou réputée telle d’où la politique, au sens classique du terme, a été éliminée radicalement. Le parti médiatique ne tolère aucun concurrent qu’il n’a pas lui- même consacré ou réduit à l’état d’épouvantail. Il fonctionne comme une inquisition : là où il dénonce, l’Etat se renforce, là où il flatte, se constituent une zone d’achalandage et une clientèle. Le parti médiatique s’acharne à faire disparaître ou à dissimuler tout conflit réel, et ne veut connaitre aucune opposition véritable. Le peuple ayant été dissous, celui-ci ne peut et n’est autorisé qu’à se manifester sur un mode factice – le public, les consommateurs, les spectateurs … – et par une série de contestations profitables au parti médiatique et à son emprise sur une société atomisée : l’opposition contrôlée dont les leaders sélectionnés finissent toujours par avoir un emploi et une récompense, même médiocre, au sein du parti médiatique. Ce parti pénètre dans toutes les sphères de la société qu’il soumet à une idéologie en perpétuelle mutation – souple comme une crêpe, et consistante comme un bloc de béton. Il parle en permanence une langue unique : la langue des maîtres, et justifie chacune de leurs ignominies… »
« La phase ultime », septembre 2023, birnam.fr
** « Quand les éléments sont organisés, ils le sont presque toujours par les subalternes – essentiellement des cadres de la société cybernétique – portés par leurs intrigues de commis à l’aliénation. Ceux-ci les infectent de leurs misérables fantasmagories et croyances. Les subalternes doivent s’assurer du consentement des éléments à être gouvernés par une minorité et pour cela ils les comblent de préjugés ridicules et trompent leur imagination par des procédés si grossiers qu’on n’ose pas en imaginer de pires. Eux-mêmes font semblant de croire avec vénération à ce qui n’est qu’une vaste escroquerie et quand on vient à croire leurs fantasmagories sociales établies dans un ciel sans nuages, c’est parce qu’on est tout prêt d’abandonner sa qualité d’homme pour peupler leurs machines à raccourcir les lions et renards en de parfaites libellules : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». Leurs organisations servent les intérêts des maîtres, car ceux-ci ont la capacité de mieux rétribuer les subalternes commis à cette tâche, choisis par avance et imposés à la masse par le Parti Médiatique (cf. le cas d’école : Boyard versus Hanouna où le second a utilement rappelé au premier qui l’avait fait bouffon sur le tas d’ordures, et dit, par cela même, les raisons de sa consécration).
Les subalternes ne doivent avoir aucun charisme, sinon celui d’un eunuque en rut. Ils ne doivent présenter aucun danger pour les véritables structures de commandement qui les tiennent après les avoir recrutés pour des tâches spécifiques. Toute identification possible et rapide de leur véritable position doit être impossible ; celle-ci s’articule avec la défense en profondeur de la « société cybernétique ». Ils ne doivent jamais mettre en question la présente forme de gouvernement et jurent d’en laisser l’administration clandestine et réelle à ceux qui en sont actuellement chargés, qui sont les seuls à connaître la véritable destination, moyennant les quelques admissions prévues à chaque trimestre dans l’échelon supérieur, selon le cahier des charges. Ils ne conspirent en aucune manière, mais font transpirer utilement les éléments incapables de se passer de leurs cadres dont la présence est jugée nécessaire jusque dans leurs protestations les plus fermes. Amaigrie, la masse est rabattue dans les structures de contrôle de la méga-machine par des granulats totalitaires avant-gardistes en réseau – en majeure partie par ce qui apparaît sous un aspect gauchisant – : il s’agit moins de faire durer les contestations que de les transformer en une sorte de carburant ou de lubrifiant de la méga-machine. Chaque crise étend son emprise et creuse le tombeau des plus belles espérances. D’ailleurs qui peut croire encore que les subalternes peuvent vouloir réellement un quelconque changement dont le premier effet aura pour conséquence de détruire leur situation sociale et économique ? »
« La phase ultime », septembre 2023, birnam.fr