Managers du génie sociétal en route vers le crédit social à l’occidentale, militants du syndicat de la machine et utopistes dégénérés errant dans le ventre sans issue de leurs monstres, convulsionnaires du réchauffement climatique et de l’austérité dirigée monarchiquement, prêcheurs écologistes – la fin du monde : deux fois, plutôt que la fin de la société cybernétique en une seule fois – , décroissants de toilettes sèches et lésineux autoritaires – une tranche de rien entre deux de merde – , écoféministes des beaux quartiers et publicitaires pour épiceries idéologiques de luxe, lgbtistes – le fétichisme de la marchandise réglant totalement les relations humaines – et autres experts en mutilations diverses assistées chimiquement, groupes de contrôle aux idéologies indicibles, déconstructeurs émasculés – le paradis c’est le neutre – et désinformateurs d’ultra-gauche, intersectionnalistes subventionnés et synchronisés de l’information, pleureuses salariées à la culpabilité douloureuse et rénovateurs du mensonge, thanatopracteurs de la démocratie et frankengauchistes de toutes obédiences avec ou sans gain de fonction, millénaristes à tempérament et anti-industriels injectés, zadistes de centre-ville et universitaires coureurs de prairies ou de sous-bois…
Ils se sont attardés à réfléchir ou du moins à le croire, puisqu’ils en donnaient tous les semblants dans leurs immortels opus, pour ne pas avoir à décider. Finalement, ils ont cru qu’ils réfléchissaient quand ils dissimulaient qu’ils se donnaient des délais de toutes sortes pour ne pas avoir à choisir un parti qui leur paraissait incroyable dans ses arguments, impossible à tenir pour cette raison, condamnable parce qu’il leur semblait violer les règles et les principes les plus élémentaires de leurs crédos confus, élevés à la dignité d’une logique incontestable. Ils ne sont pas rendu compte que cela les rendait incapables d’avoir accès au monde et jusqu’à leur propre expérience. Celle-ci réduite à quelques sentiments conformes, à leur pantomime fatiguée, à l’expression répétitive, fade et molle de quelques catégories philosophiques retournées en lieux communs depuis fort longtemps, a donné la formule idéologique d’une époque vouée fièrement à tous les néants et à leur consommation précipitée.
Les plus timides de ces professionnels de l’incrédulité tarifée et minutée en fonction de ce qu’ils prétendent combattre, c’est ainsi qu’il se présentent au monde, ont encore du mal à se convaincre qu’une cause grandement imaginaire – le prétexte qui revient comme une scie – , une pseudo-pandémie élaborée et planifiée par le gouvernement mondial de la marchandise, dans la plupart des aspects qu’elle a revêtus et presque toujours appuyée sur la rumeur et la panique organisée, ait pu entraîner autant de conséquences réelles. Il leur est invraisemblable que le but atteint, enlevé aussi lestement et en aussi peu de temps par un aussi petit nombre, soit une preuve manifeste de l’existence de ce gouvernement mondial et de ce qui le constitue depuis de nombreuses décennies. Il leur est encore plus invraisemblable de considérer ce gouvernement des oligarques dans l’étendue de son pouvoir et de ses ramifications, de la multiplicité de ses manifestations et de leur qualité, de la profondeur de ses emprises et de son empire sur la vie de chacun, de son personnel et de ses intelligences ; et même inouï qu’une partie du peuple en soit avisée et en parle si ouvertement, établisse même des rapports, prétendument irrationnels à les croire, entre des choses qu’eux-mêmes s’acharnent à maintenir toujours séparées, afin que le grand principe qui les unifie soit ignoré, à l’usage du petit nombre qu’il favorise, et qu’il rend incontestable. Et que ce même principe, quand on vient à l’évoquer et à le décrire, provoque leur stupeur, leur colère ; et des insultes dont ils se fournissent les termes et la syntaxe dans les officines gouvernementales dont ils sont l’une des plus complaisantes chambres d’échos ; ils ont avalé tout cru leurs boniments et ont refusé de reconnaître la vénalité de ces offices de diffusion, et leurs pilotages avérés.
Programmés par les innombrables vecteurs culturels dans lesquels ils s’inscrivent docilement, dont ils sont quelquefois les producteurs et fréquemment les employés, souvent les seuls consommateurs, ils n’ont même pas eu besoin, pour la plupart, d’être recrutés comme agents secrets de la propagande pour exécuter son cahier des charges. Mais il serait injuste, aussi, de ne pas les considérer comme les supplétifs joyeux de la nouvelle police et du Parti Médiatique. Ils aiment ses ratures du réel et les respectent. Ils se rendent dociles à ses convocations et sont passés, sans récriminations inutiles et lourdement prolongées, au consentement sanitaire : ils avaient autrefois marqué avec de nombreux sarcasmes les insuffisances spirituelles du consentement politique pour ne pas être écouté par la machine pénitentiaire qui tient la carte mouvante des participations fictives et des abstentions réelles, grave en contrepartie les inscriptions biochimiques de la loi dans chaque corps qu’elle offre à ses pulsions. Il n’y a pas d’effets secondaires, mais seulement les encadrements nécropolitiques du nouveau corps électoral rédimé. On ne dira plus seulement a voté mais également a été injecté pour dire les qualités ordinaires de l’adhésion recommencée et ce qu’elle permet de nouvelletés infâmes dans de nombreux domaines. Quelle plaisanterie qu’une opposition qui a couru se faire injecter : la peur de la mort la rassure.
Remarquant parfois, par leurs plus petits côtés, les destructions de cet ordre nouveau, ils sont persuadés ipso facto que celui-ci ne fait pas la guerre aux peuples pour s’assurer les indépendances de ce qu’il juge être son héritage, en passant à son habitude toutes les frontières par lui-même établies dont ils nous exposent les charmes et les nécessités, mais jamais les ressources et les secours attendus par une barbarie qui plane au-dessus de ses propres faillites méditées. Ils n’ont pas cru, ces leghorn du concept, que même leurs propres exagérations multipliées, dont ils se targuent ingénument, avec une sentimentalité vide de raison, ont fait d’eux les meilleurs auxiliaires de cet ordre qui parle tous les langages de la révolution après leur grande dévalorisation. Ils prétendaient en être les censeurs rigoureux, ils n’en sont que les commentateurs avachis et complaisants, comme ils en furent l’un des prodromes avantageux et complice, et maintenant les crécelles de la maladie officielle, iatrogène, de ses épouvantes calculées sur son cheptel injecté. Il n’est pas jusqu’aux services dont s’est entouré ce gouvernement dans sa progression, qui ne leur apparaissent inexplicables dans leur acharnement à faire de la destruction et de la mort leur Béatrice et à signer tous les contrats que le diable a voulus.
Il est vrai qu’admettre tout cela était de nature à les compromettre gravement, dans leurs quartiers d’hiver où ils avaient leurs aises et leurs emplois protégés, s’ils prenaient immédiatement leurs dispositions en faveur du parti le plus dangereux. Il est vrai également que chez eux tout marche sur la tête, que certains d’entre eux portent à la taille d’une montgolfière. Chez eux tout se dissout dans une peur perpétuelle d’être privés de leurs miroirs ; de considérer leurs gras et gris reflets désignés par une épithète infâmante inventée par les agences de répression psychique de l’Etat. Une simple menace, de cette nature, les dompte plus durablement qu’une volée de coups de bâtons. Un mot les couche. Leur force d’âme butte sous l’effet d’appréhensions grotesques qu’ils imaginent dans leurs marches effrayées. Ils s’effondrent à la moindre rumeur de danger : que quelqu’un se présente affolé à leur porte et les voilà s’envolant, toutes cornes dehors, par les fenêtres en beuglant qu’on ne les compromettra pas. Ils sont de toutes les ruées, et ne réduisent jamais leur voilure dans leurs bousculades. Ils prétendent être du parti de l’intelligence… avec l’ennemi qui ne leur a jamais paru aussi aimable que dans ses dernières innovations qu’ils ont ralliées en un clin d’œil, et bien plus radical dans ce domaine qu’eux-mêmes ne le seront jamais dans leurs protestations et leurs refus acclimatés dans le parc des objets qui les dimensionne selon ses ambitions et ses programmes de désordres quand il veut en prévenir de plus grands et de plus nocifs .
Ils se sont satisfaits des explications de leurs maîtres qu’ils dénonçaient, un peu, la veille encore, et les maîtres sont satisfaits de leurs dénonciateurs puisque jusqu’à présent ils n’en ont pas encore inventé de meilleurs, même pour rire. Les miasmes de la servitude ont pénétré la totalité de leurs manifestations. Ils en constituent la disposition fondamentale – l’ornement indispensable de leur état d’esprit auquel ils sont parvenus par concentrations successives de leurs ambitions.
Le parti des cafards gouvernementaux leur a semblé plus réaliste et sage dans ses propos calomnieux, que leurs propres articles de rhétorique en faveur de leurs chimères de faillis de l’idéologie. Leurs utopies n’étaient que des parodies, des rêves de géomètres et des anticipations du crépuscule, quelquefois des souricières. Ils ne rêvaient que d’incendies sans flammes, ceux qui ont fait eau de toute part pendant leur naufrage ; et pour la plupart sont allés à l’injection pour rajouter un trou à leur coque. Ils ont souscrit à toutes les informations de la domination agrégées en mystères, qui leur sont devenus aussitôt articles de foi et diktats sur lesquels il n’y a pas à revenir.
Dociles échos de la propagande, eux, les partisans de tous les excès de la rébellion, les rageux éternels, sont subitement devenus les adhérents excessifs de toutes les modérations du refus. Les raisons de l’ennemi leur sont trop rationnelles, trop proches et comme une aubaine pour leurs exigences diverses en matière de réforme de n’importe quoi, pour ne pas être adoptées sur le champ comme on prend un raccourci sur une route qui longe une falaise escarpée. Ils voulaient être des déserteurs, et ils le sont effectivement, mais de leur propre cause qui leur était un vêtement étroit, passé de mode, capable de leur nuire. On n’a jamais vu autant de révoltés veillant jalousement à la sécurité de l’Etat et d’une si grande indulgence pour tant de crimes commis. Et s’il leur arrive de prendre les armes, c’est pour les rapporter.
Ce n’est pas tant la dévastation dont ils furent les spectateurs apparemment surpris qui les a indignés, mais le fait, contre toute attente, qu’on lui résiste avec des raisons dont ils débattent encore. Elles leur sont étrangères au plus haut point, à ces manieurs de paradoxes jusqu’à l’orgie. Ils croyaient que toutes leurs transgressions les rassemblaient autour de la liberté, en réalité ce n’étaient que les sages habitudes d’une servitude insolente et pleine de cautèle qui les agglomérait mécaniquement autour de leurs maîtres. Elles les forcent en rangs serrés du côté de la domination. Elles en sont le rempart, alors qu’eux-mêmes s’en croient la solution magique – l’abracadabra révolutionnaire.
Le grand désavantage numérique, la fantastique disproportion des forces en jeu leur conseillait de capituler discrètement ou d’attendre prudemment que la fin de l’épisode dessine son inévitable conclusion afin d’envahir leur bassin d’expansion et crier victoire ; de se gratter mutuellement sur les remblais, sans cesse grossissant, de leurs reniements successifs. « Frappés de stupeur voire affolés », sidérés, comme ils le proclament à l’unisson, par une succession d’évènements singuliers qui leur a semblé une lame de fond surgie des Enfers, divisés en eux-mêmes par leur sujétion à des croyances qu’ils ont constituées en théories sans épaisseur, paralysés par les dogmes de leurs théologies minuscules, accrochés à leurs ambitions sans envergure telles les cages de misère où fleurissent leurs lâchetés, ils attendent maintenant qu’on taise leurs désolants acquiescements, qu’on les consigne avec indulgence dans un secteur des limbes du spectacle et qu’un oubli provisoire enveloppe dans une ombre propice leurs impostures et leurs inédites approbations. Ils ont été un rouage du stratagème de déception, pas le moins efficace.
Jean-Paul Floure